enfouis dans la terre, de sorte qu’on ne pût les retrouver; mais Caligula fit placer dans le mausolée d’Auguste la cendre de sa mère, et ainsi fut trompée cette cruauté qui s’acharnait sur sa victime jusqu’après la mort.
Deux personnages de la famille de Tibère ont porté le nom de Drusus. L’un était son fils et fut empoisonné par Séjan. Il était enclin à la sévérité, promptum ad asperiora ingenium, dit Tacite. Son buste, qui est au Capitole, a bien cet air-là. L’autre Drusus était frère de Tibère; celui-ci fut le père de Germanicus et passait pour vouloir rétablir la liberté, ce qui faisait que le peuple l’aimait et que Tibère ne l’aimait point. Un arc de triomphe, érigé en l’honneur de Drusus après ses victoires en Germanie et sa mort, se voit encore non loin de la porte de Saint-Sébastien. On y reconnaît à quelques traits la belle époque architecturale à laquelle il appartient, mais il est mesquin et pauvre dans son ensemble. Certaines parties sont très médiocres; il porte l’empreinte de la négligence. Probablement Tibère soignait mieux les deux arcs de triomphe qu’il s’était élevés à lui-même. L’arc de Drusus n’a pas été terminé, et cependant Tibère a eu le temps de l’achever, puisqu’il avait été commencé avant son règne; mais Tibère ne se pressait point d’honorer des triomphes qui n’étaient pas les siens.
L’historien qui écrit à Rome y rencontre plus rarement Tibère qu’Auguste. Tibère, comme Suétone l’a remarqué avant moi, y a élevé peu de monumens : il avait moins le goût d’édifier, et puis il y a moins vécu. Le lieu que Tibère a marqué et taché de sa mémoire, c’est Caprée, cette île charmante, parure du golfe de Naples. Là sont les ruines de son palais, élevé sur l’emplacement de douze villas; là il vint, avec des astrologues et une troupe infâme, cacher ses hideux désordres et son visage couvert d’une sorte de lèpre. Tacite pense que cette petite île plut à Tibère parce qu’il était difficile d’y aborder. « Il avait la vue, ajoute l’historien, de ce golfe si beau avant que le Vésuve, en s’embrasant, eût changé l’aspect du pays. » Quoi qu’en dise Tacite, malgré les ravages du Vésuve, le golfe de Naples est encore le plus beau lieu du monde, et pour nous, modernes, le volcan même en accroît le charme pittoresque, au lieu de le détruire. Il semble vraiment que Tibère craignait de reparaître et de se montrer, retenu, dit Tacite, par la honte de ses débauches et de ses crimes, car deux fois il s’approcha de Rome sans y rentrer. On le suit s’avançant sur la voie Appienne jusqu’à quelques milles du Capitole, ou venant dans le quartier de la rive gauche du Tibre, ce qu’on appelle aujourd’hui le Trastevere, errant parmi les jardins, puis n’ayant pas osé passer un pont et mettre le pied dans la ville, retournant en arrière et s’enfuyant de nouveau dans ses rochers.