motif, Fersen, au dire des biographes suédois, voulut bien céder à Staël des prétentions acquises sur la main de Mlle Necker.
Quant à la survivance de l’ambassade à Paris, Staël n’en avait encore parlé qu’à mots couverts dans ses lettres à Gustave III. Il avait su du moins se préparer dans cette vue non-seulement l’appui de Mme de Boufflers, mais encore celui du comte de Creutz, celui même de Marie-Antoinette et de Louis XVI. Il est curieux d’observer avec quel ingénieux ensemble il met en avant tous ses protecteurs à la fois, de telle sorte que les efforts, en convergeant, puissent emporter l’assentiment de Gustave III. Je trouve ainsi, aux dates du 15 avril et du 22 juillet 1782, une double lettre adressée par lui et par le comte de Creutz au roi Gustave, et la simultanéité de ces efforts n’a pas dû être l’effet du hasard. Sous la première de ces deux dates, M. de Staël mande lui-même a qu’il a beaucoup de probabilité de réussir dans son dessein d’épouser Mme Necker, si sa majesté veut faire ce que proposent l’ambassadeur et Mme de Boufflers. » Il ajoute : « La reine (Marie-Antoinette) voulait demander pour moi à votre majesté la survivance de l’ambassade à Paris; mais le roi a dit qu’il ne fallait pas faire cela, par délicatesse. » Artifice de rhétorique bien connu, qu’on appelle la prétention. M. de Staël pouvait l’employer à son aise; il savait bien que son vœu était présenté par le comte de Creutz dans une lettre datée précisément du 15 avril 1782, et qui se trouve à Upsal. « Si votre majesté, dit l’ambassadeur, daignait accorder à M. de Staël la survivance de l’ambassade après moi, on lui procurerait une fortune des plus considérables de l’Europe. Un des motifs qui pourraient déterminer votre majesté à lui accorder cette grâce serait l’avantage d’avoir parmi la noblesse de Suède une maison assez puissante pour tenir avec éclat un état dans la capitale et à la cour, car 500,000 livres de rente qu’aurait au moins Mlle Necker équivaudraient en Suède à la fortune de M. de Soubise, le plus grand seigneur et le plus riche de la cour de France; la noblesse chez nous est trop pauvre.... Votre majesté pourrait envoyer sa promesse à Mme de Boufflers, avec ordre de la renvoyer dans le cas où le mariage n’aurait pas lieu... Il serait nécessaire que votre majesté fût bientôt décidée, car Mlle Necker a seize ans et demi, et ses parens ne tarderont pas à disposer d’elle. » Voilà qui est net et point ambigu. Il était impossible de souhaiter de plus clairs interprètes d’une secrète espérance, ou plutôt des plénipotentiaires mieux accrédités pour un traité qu’on proposait. C’était bien d’un traité en effet, d’une convention synallagmatique qu’il s’agissait. Les deux parties l’entendaient également de la sorte, et chacune y devait trouver son profit. — Pas de mariage, pas d’ambassade, pensait Gustave; pas d’ambassade, pas de mariage, se disait en lui-même M. de Staël.