fluence des mœurs, la principale pépinière où il fût donné à l’ancienne monarchie de recruter un personnel de gouvernement.
Si dissemblables qu’elles fussent par leur origine, ces diverses catégories entouraient le monarque et semblaient former un rempart entre lui et la France. Elles vivaient d’une même pensée, celle de s’ancrer le plus fortement possible sur le, terrain de la cour, le seul sur lequel poussassent les fortunes; elles n’avaient qu’un but, celui de complaire au roi en faisant en quelque sorte le siège de sa personne à force de souplesse et surtout d’assiduité; elles n’entretenaient qu’une espérance, celle de suffire par les libéralités royales aux dépenses que commandaient les goûts et quelquefois les injonctions du monarque.
Cette noblesse, devenue l’unique intermédiaire entre le pouvoir et la nation, se trouvait placée dans une position sans exemple en aucun pays et en aucun siècle, car, par un privilège de sa toute-puissance, la royauté était parvenue à la parquer tout entière dans son propre palais. On vit en effet tous les hommes qui, à des titres divers, comptaient alors pour quelque chose dans le gouvernement de la France devenir, sinon les commensaux, du moins les hôtes du monarque; on les vit demeurer à ses côtés sans s’en écarter, à bien dire, un seul jour, en enchaînant leur vie à celle du prince dans la plus complète abdication de leur liberté privée. Depuis longtemps sans doute les rois de France avaient déployé tantôt la force, tantôt l’habileté, pour attirer à Paris leurs grands feudataires, et cette politique leur avait été commandée par le soin de consommer l’œuvre de l’unité nationale; mais en paraissant devant les rois à l’hôtel Saint-Paul ou au Louvre, en faisant même plus tard leur cour à Louis XIII ou à la régente au Palais-Royal et à Saint-Germain, les grands du royaume n’avaient point renoncé à la coutume d’habiter leurs propres demeures, et bien moins encore au droit de passer une bonne partie de leur temps au centre de leur antique influence, dans les bruyantes distractions de la vie seigneuriale. Louis XIV changea tout cela en construisant le gigantesque palais de Versailles, car pour être vraiment de la cour il fallut y vivre, et quiconque n’y résidait pas n’y était pas même compté.
Obtenir un logement dans l’immense phalanstère élevé par la royauté mal avisée, y vivre à l’étroit dans un méchant entresol ou dans les combles devint le point de mire de toutes les ambitions, le bonheur souvent refusé aux descendans des races les plus illustres. On peut voir, par l’exemple du duc de Saint-Simon, de quel coup il sentit sa vie frappée lorsqu’il perdit à Versailles le logement attribué au maréchal de Lorge, son beau-père. Chaque page des mémoires de Dangeau ou du marquis de Sourches constate que l’obtention d’un galetas au palais était la condition préalable de toute carrière im-