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confirmé les récompenses et les grades militaires accordés par la reine dans l’intervalle du 28 juin au 18 juillet 1854, c’est-à-dire dans les quelques jours où le cabinet du comte de San-Luis luttait contre la révolution. En un mot, on pourrait dire que le nouveau ministère vise sans détour à replacer l’Espagne dans la situation où elle était avant l’insurrection de 1854. Dans une certaine mesure, cette politique n’a rien de surprenant, elle est la conséquence forcée des événemens ; mais le danger serait de ne point s’arrêter à la limite au-delà de laquelle la réaction ne serait plus qu’une aventure. Le ministère saura-t-il trouver cette limite et s’y fixer ? Voilà la question. Il est certes entouré de plus d’une difficulté. Son origine même pèse sur son existence ; sa composition ne fait pas une grande part aux hommes considérables du parti constitutionnel modéré. Si l’on remarque en outre que le cabinet est né d’un acte d’omnipotence de la reine, il est bien clair qu’il reste soumis aux variations de la volonté royale. Or c’est là peut-être le fait le plus grave de l’état actuel de l’Espagne. Dans tous les cas, la situation de la Péninsule ne retrouvera un caractère complètement régulier que le jour où le ministère aura convoqué les cortès et où le régime constitutionnel aura repris son empire.

Sans être aussi profondément troublée, sans passer par ces brusques secousses qui dérangent toutes les perspectives et déjouent toutes les prévisions, la Hollande ne laisse point de ressentir parfois ce qu’il y a de laborieux dans la vie politique. Il y a un mois, la session législative s’est ouverte à La Haye ; c’était un événement qui ne manquait point de gravité dans les circonstances actuelles : l’ouverture de cette session trouvait en présence une chambre renouvelée par l’élection et un cabinet qui n’avait point subi encore l’épreuve parlementaire, qui était même venu au monde dans des conditions assez peu favorables. Dès sa naissance, le nouveau ministère hollandais, soupçonné de porter au pouvoir une pensée de réaction, excitait une émotion générale. Les élections avaient lieu sur ces entrefaites, et elles ne faisaient qu’offrir une issue aux instincts du pays, elles fortifiaient le parti libéral. La gravité de la situation naissait donc de cet antagonisme latent entre un ministère mis en suspicion dès son avènement et une majorité parlementaire au sein de laquelle dominait un libéralisme modéré. Le roi s’efforçait, il est vrai, dans son discours d’ouverture d’adoucir ces dissentimens des partis : il faisait appel à la concorde et invoquait les inspirations de cet esprit national de 1830 en l’honneur duquel on venait d’ériger un monument à La Haye ; mais comme en définitive ce discours royal laissait planer une certaine obscurité sur les vues du cabinet, qui n’avait pu s’expliquer encore ni sur son origine ni sur sa politique, les méfiances restaient entières ; elles persistaient d’autant plus que le roi dans son discours passait sous silence la loi fondamentale. Ces méfiances n’ont point tardé à se faire jour : elles ont éclaté d’abord dans le choix des candidats pour la présidence de la seconde chambre et ensuite dans la discussion de l’adresse. Là les partis se sont trouvés en présence et ont donné la mesure de leurs forces. Si le ministère hollandais n’a point succombé jusqu’ici, c’est qu’évidemment il tient peu de compte des mésaventures parlementaires.

Le président de la seconde chambre est nommé par le roi sur une liste de trois candidats désignés par la chambre elle-même. Les trois candidats