coups de fusil, des pétards et des fusées. Après la cérémonie venaient les amusemens : on se battait pendant une heure avec des pétards inoffensifs qu’on se jetait avec force éclats de rire, et, comme il n’y a pas de fête, même religieuse, qui ne finisse nécessairement en ce pays par un fandango, on établissait la salle de bal dans un endroit où l’herbe était rare. Dans une énorme marmite bouillait du café qu’on distribuait gratuitement, et les danses commençaient. À ce moment, le prêtre allait se coucher.
La veille de Noël, on représente dans les ranchos la naissance de Notre-Seigneur. Trois rancheros jouent le rôle des rois mages et récitent des vers mystiques, d’autres sont les bergers et entonnent des hymnes, les plus jolies rancheras font les anges et chantent des cantiques. Je ne retrouvai pas sans plaisir l’usage des mystères, jadis si répandu en Europe. Le vendredi-saint, dans les endroits qui possèdent une église, on métamorphose le chœur en une montagne de verdure au sommet de laquelle se trouve voilé le saint-sacrement. On adosse contre cette montagne des arbres naturels, des grottes de mousse et de fougère dans lesquelles sont cachés des bergers qui imitent sur des galoubets de saule les lamentations des saintes femmes de Jérusalem pleurant la mort du Sauveur du monde. Les notes plaintives et douces de ces instrumens répandent dans l’âme la tristesse et la mélancolie; on ne saurait les entendre sans être profondément touché. Le jour de Pâques, une foule de catholiques de tout âge, de tout sexe, de toute nation, s’approchaient de la sainte table (combien parmi eux ne l’avaient pas fait depuis des années!), et recevaient le sacrement avec recueillement et ferveur. Dieu me récompensait largement de mes travaux.
J’avais acheté au Mexique et placé dans l’église de Brownsville un orgue qui devait donner plus de solennité à nos cérémonies et guider la voix de nos chantres et de nos choristes. J’eus d’abord un grand désappointement quand je m’aperçus que Brownsville ne possédait qu’un organiste, lequel était employé par les épiscopaliens. Par bonheur, j’étais lié avec le ministre épiscopalien, jeune homme instruit et libéral qui n’avait pas de haine contre le catholicisme. Il eut pitié de ma situation, et comme mon office et le sien se faisaient à la même heure, il me proposa d’avancer l’heure de ma messe, s’engageant à reculer celle de son service religieux : de la sorte, l’organiste put venir jouer successivement dans l’église et dans le temple. J’y gagnai aussi de voir mon auditoire se grossir de protestans et même de juifs; le ministre épiscopalien lui-même assista plusieurs fois à mes sermons. Je m’efforçais de détruire par mes prédications les préjugés aveugles que conservaient les Américains contre nos doctrines et nos personnes. Mes paroles portaient déjà