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l’insurrection. On promit 25 piastres par mois à quiconque s’enrôlerait ; une foule d’aventuriers américains, qui avaient guerroyé en 1846 et 1847, furent attirés par l’espoir du pillage et l’amour de l’inconnu ; cent ou deux cents Mexicains mécontens se joignirent à cette troupe. Carvajal marcha sur Camargo, qui, faute de soldats, fut prise sans coup férir ; mais il perdit un temps précieux, attendant sans doute l’effet des promesses des négocians de Matamoros. Ceux-ci cependant changeaient de système ; ils invitèrent Avalos à un grand déjeuner, où l’on discuta sur les mesures à prendre contre Carvajal. Il fut démontré que les troupes du gouvernement étaient trop peu nombreuses, qu’il fallait immédiatement mettre sur pied la garde nationale et se procurer des fusils et de l’argent. Les négocians, peu disposés à des contributions personnelles, conseillèrent au général de permettre l’entrée de la cotonnade américaine, en la grevant seulement d’un droit léger, dont une partie serait consacrée à la répression du mouvement insurrectionnel, et l’autre entrerait dans les poches mêmes d’Avalos. Cette perspective sourit au général, qui décréta d’urgence la réforme proposée, en dépit du directeur des douanes. On amusait par des promesses Carvajal, qui s’arrêta à Reynosa comme il avait fait à Camargo, et pendant plus de huit jours des balles de manta traversèrent le Rio-Grande en si grande quantité, qu’on en estime la valeur à plus d’un demi-million de piastres. Les petits marchands des frontières, se trouvant lésés, avertirent Carvajal, qui, furieux, brûla quelques-uns de ces convois. Malheureusement les marchandises avaient été vendues au comptant par les négocians américains à des marchands de l’intérieur du Mexique, et ce furent ceux-ci qui perdirent.

Carvajal se porta enfin sur Matamoros. Les autorités de la ville, quoiqu’ayant fait tous leurs préparatifs militaires, se rendirent en députation auprès de lui pour connaître ses intentions particulières et le prier de renvoyer ses soldats américains, affirmant que tout s’arrangerait pour le mieux, si rien dans son entourage ne marquait une intervention étrangère blessante pour l’amour-propre national. Carvajal refusa. Le lendemain, il s’installa avec une troupe de cinquante hommes environ dans le fort Paredes. Ce fort, très rapproché de la ville, se composait de quelques talus élevés en 1844 pour protéger Matamoros. L’unique canon possédé par les Américains tonna immédiatement. Le second jour, Carvajal alla s’emparer, on ne sait pourquoi, de la cabane des douaniers placée en face de Brownsville. Les habitans de Matamoros lâchèrent sur lui quelques boulets mal dirigés, qui vinrent éclater sur l’autre bord, à Brownsville, et chassèrent les curieux, Carvajal se décida alors à pénétrer dans Matamoros. Bientôt la fusillade retentit dans toutes les rues de