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ment : ne serait-il pas temps de rechercher à quelles conditions elle se maintient? Un long séjour dans l’empire indo-britannique nous facilite peut-être l’examen de cette dernière question. Le service administratif, l’enseignement, le système pénal, les institutions financières, l’armée doivent appeler l’attention de quiconque tient à s’éclairer sur les bases de l’établissement anglo-hindou, sur les réformes qu’on y a déjà introduites, sur celles qu’il réclame encore, et nous serviront successivement de sujets d’étude.


I.

Au-dessus du service administratif, dont il faut s’occuper d’abord, se place, on le sait, l’honorable compagnie, représentée par la cour des directeurs. Les Hindous, race peu habituée aux pouvoirs collectifs, se figurent la compagnie sous les traits d’une vieille dame vivant noblement dans une contrée lointaine, par-delà les mers. Sans discuter les analogies que la cour des directeurs peut présenter avec la fiction native, il convient d’examiner les pouvoirs attribués par la charte de 1833 à cette importante corporation, afin d’apprécier avec plus d’exactitude les divers changemens consacrés par la nouvelle charte de 1853.

Le dernier règlement n’a point modifié les rapports établis en 1833 entre la compagnie et la couronne. Aujourd’hui comme alors, tous les actes du gouvernement de l’Inde sont rendus au nom de la cour des directeurs; mais son pouvoir est plus apparent que réel, et au-dessus d’elle s’élève l’influence prédominante de la couronne et du parlement, représentée par le board of control. Le mode de transactions entre ces deux pouvoirs est le suivant : los ordres de la cour des directeurs, rédigés par un comité secret élu dans son sein, sont soumis au board of control, qui, en cas de dissentiment, doit renvoyer les ordres au comité en motivant sa désapprobation. Un délai de quatorze jours est alloué à la cour pour faire des remontrances et tenter de modifier l’opinion des conseillers de la couronne; au bout de ce temps, le board of control s’assemble pour discuter les explications de la cour et rendre une décision, qui, fût-elle contraire à ses vues, doit être envoyée aux Indes et mise à exécution. On voit que le board of control et, par son intermédiaire, la couronne et le parlement exercent une influence péremptoire dans toutes les grandes questions de politique étrangère ou intérieure qui s’agitent dans le domaine indien. De fait, les attributions indépendantes réservées à la cour des directeurs se réduisent aux droits d’élire ou de révoquer le gouverneur-général, et il n’a été fait jusqu’à ce jour qu’une seule fois usage du droit de révocation à l’égard de lord Ellenborough.