vres dramatiques comme dans les pays les plus libres, avait cessé d’être redoutable à Turin, et si elle a supprimé, pour les convenances de la scène, mainte phrase trop ardente, maint personnage dont le portrait peu flatté eût pu brouiller le gouvernement piémontais avec l’Angleterre, les Deux-Siciles, les états du pape, qui donc, excepté M. Lévi, songerait à l’en blâmer ? Au reste, à cet égard, nous n’en sommes point réduit aux conjectures : après avoir cédé, pour que son drame parût au théâtre, à la raison du plus fort et cette fois du plus sage, M. Lévi le publie dans son intégrité native, et nous permet de constater que les rigueurs de la censure n’ont rien eu d’exagéré. On aurait peine à comprendre, par exemple, qu’elle eût laissé passer la phrase suivante, qui termine l’ouvrage : « peuples de l’Italie future ! je vous lègue un seul mot en mourant : Quand votre heure sera venue, soyez inexorables ! »
Quoique médiocrement écrit, le drame de M. Lévi retrouve à la lecture les conditions d’intérêt qu’il devait perdre nécessairement au théâtre. Puisque M. Lévi voulait plaider la cause des peuples opprimés, on doit reconnaître qu’il a fait son siège assez habilement. Quoi de plus propre à prouver sa thèse que cette fin héroïque de la république parthénopéenne en 1799 ? L’insuffisance des chefs républicains en tant qu’hommes politiques ne saurait être contestée ; mais aux prises avec les plus terribles difficultés, abandonnés de la France, qui avait alors assez à faire de se défendre elle-même, ils surent rester honnêtes, combattre en braves et bien mourir. Qui ne connaît au contraire la lamentable histoire de cette capitulation aussitôt violée que signée, de ces intrigues honteuses et sanglantes de la courtisane Emma Liona, devenue lady Hamilton, femme d’ambassadeur, maîtresse de Nelson, amie et complice de la reine Caroline ? Qui ne se rappelle ces trente mille patriotes jetés dans les prisons de Naples, cet amiral pendu à la grande vergue du vaisseau de Nelson, ces échafauds où périrent les meilleurs citoyens ? C’étaient de telles horreurs qui arrachaient au secrétaire de Nelson et au généreux Fox des paroles vengeresses que l’histoire a conservées, et que M. Lévi met un peu audacieusement sur d’autres lèvres. M. Lévi a eu raison de penser que tout l’intérêt était ici pour les victimes, quelles que fussent les opinions du lecteur. À défaut des trois unités d’Aristote, il y a du moins dans son drame l’unité d’intérêt.
Il s’en faut cependant qu’il y ait dans l’exécution autant d’habileté que dans le choix du sujet. Si l’auteur d’Emma Liona connaît l’histoire et la reproduit avec cette fidélité respectueuse dont peu d’Italiens osent s’affranchir, il ne sait pas assez y mêler la fiction et l’imprévu, sans lesquels le drame manque de péripéties et se traîne languissant. À vrai dire, il a mis l’histoire en dialogue. Je ne songerais pas à l’en