Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est insuffisant pour un seul des deux. Aussi, dès que la direction des affaires navales de l’Autriche a été dans des mains intelligentes, la translation de l’établissement militaire dans des lieux appropriés à sa destination a été résolue; elle était prescrite par les intérêts politiques et commerciaux les plus pressans du pays, et ce point établi, il ne restait de discutable que le choix de l’emplacement.

Napoléon, après avoir reconnu l’insuffisance de Venise et avoir fait explorer toutes les positions militaires de l’Adriatique, avait fini, on le sait, par arrêter ses vues sur le canal de Calamota, et M. Beautemps-Beaupré avait été presque le seul dépositaire de sa pensée. Il importe peu de rechercher si elle était ou non connue des conseils de l’Autriche au moment où ils eurent à prendre une décision. Il siégeait dans ces conseils un prince d’une rare sûreté de coup d’œil, qui avait exploré dans ses moindres détails le canal de Calamota, et auquel aucun des avantages éminens de cette position n’avait échappé. Néanmoins des circonstances que pouvait négliger Napoléon, maître de Corfou, de Brindes, de Naples, de Livourne, de Gênes, de Toulon, armant, du pied des Pyrénées à l’embouchure de l’Elbe, des escadres qu’il aurait au besoin appelées dans la Méditerranée, devaient être considérées à Vienne sous d’autres points de vue que le sien. Fonder vers l’extrémité de l’étroite lisière que l’Autriche possède entre l’Hertzégovine et l’Adriatique un port de guerre qui ne pourrait être secouru par terre qu’en exposant, pendant une marche de plus de trois cent trente kilomètres, le flanc à l’ennemi, irriter par l’aspect de ce grand établissement les convoitises de l’ami médiocrement scrupuleux en fait de stations navales qui occupe Corfou, pouvait paraître en Autriche une excessive témérité. Le but qu’on voulait atteindre était d’ailleurs moins haut placé que celui de Napoléon : il s’agissait pour le conquérant de la libération des mers; le cabinet de Vienne voulait sauvegarder les intérêts autrichiens, rien de plus. La position de Pola, appuyée sur les provinces de l’empire les plus affectionnées à la maison de Lorraine, protégée par la configuration du territoire adjacent, dangereuse à attaquer, facile à secourir, couvre mieux qu’aucune autre les établissemens situés au fond du golfe. Elle fut préférée à celle dont le mérite était de se mieux prêter à des entreprises trop hardies, et ce fut avec raison.

Un intérêt de premier ordre à considérer dans la fondation d’un port militaire, c’est la facilité des approvisionnemens en matériaux de construction, en combustible, en vivres de bord, et sous ce triple rapport le havre de Pola laisse peu de chose à désirer. Il tirera de la presqu’île d’Istrie elle-même, et notamment de la forêt de Montona, qui en ombrage le centre, des bois de chêne auxquels on ne connaît, même à Naples, rien de supérieur en force, en souplesse