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à cette époque. Si ce rapport s’est maintenu, les côtes autrichiennes situées à l’est de l’Isonzo doivent présenter au moins 55,000 marins : l’inscription maritime de France accusait au 1er janvier dernier un effectif de 168,942 hommes pour le littoral entier. Le matériel naval des deux pays offre un terme de comparaison non moins digne de confiance, car on n’entretient pas plus de navires qu’on n’en peut armer. Nous possédions, à la fin de 1855, l4,200 navires de commerce, jaugeant 784,636 tonneaux, et les états de la marine autrichienne portent 9,735 navires, jaugeant 316,286 tonneaux. En éliminant de ces derniers nombres ce qui appartient à la côte d’Italie, en tenant compte de quelques différences dans la manière de mesurer le tonnage, on arriverait à un rapport peu différent du tiers. Il est même probable que le chiffre de 55,000 hommes est un minimum.

Telles sont, en personnel et en matériel, les bases de l’établissement militaire que fonde l’Autriche en face de l’embouchure du Pô, en avant de Trieste et de Venise, à la pointe de la vaste presqu’île qui se détache, sous la forme d’un bastion, du fond de l’Adriatique, à la tête de ce long chapelet d’îles hérissées de rochers derrière lequel se cache la côte de Dalmatie.

Le territoire de Pola appartient à la remarquable formation de calcaire caverneux dans les profondeurs de laquelle on descend près d’Adelsberg et de Pisino, et il semble que la place du havre ait été faite par un immense écroulement souterrain; les rivages en sont presque verticaux sur beaucoup de points; les plus grands bâtimens s’y amarrent, et les îles des Oliviers et de Saint-André, qui sont peut-être des piliers restés debout, participent à cet avantage. Ce beau bassin s’ouvre au milieu de terres doucement inclinées au versant du nord, assez brusquement relevées du côté du sud; l’étendue en est de cinq cents hectares; il communique avec la mer par une passe recourbée ouverte à l’ouest, et dont la moindre largeur est de 700 mètres. A gauche de l’entrée, les îles Brioni couvrent, dans le canal de Fasana, qui les sépare de la côte, une rade extérieure de douze cents hectares. Au sud, le havre de Veruda, excellent pour les bâtimens légers, pénètre la pointe de la presqu’île de ses dentelures aiguës. En remontant vers Trieste, la côte offre les abris et les atterrages de Rovigno, de Lemo, de Parenzo, de Porto-Quieto, d’Omago, de Pirano, qui doivent tout à la nature, et à plusieurs desquels l’art peut apporter de notables améliorations. En descendant vers les bouches de Cattaro, on passe devant l’entrée du golfe orageux du Quarnero, après quoi les abris excellons et faciles à défendre se multiplient dans les canaux qui serpentent en arrière des îles.

Cette réunion d’avantages stratégiques a fait de Pola en différens temps le siège des principales forces navales de l’Adriatique, le but d’ambitions intelligentes, ou le théâtre de combats sanglans. La né-