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péditions navales la pire des conditions, et la réalité de ce danger suffirait pour neutraliser tous les avantages hydrographiques du havre de Pola. Cette question était trop intimement liée au but des explorations de M. Beautemps-Beaupré pour échapper à sa judicieuse sagacité, et il l’a étudiée avec le soin qu’elle méritait.

La constitution géologique du terrain dans lequel est ouvert le havre est des plus rassurantes pour la salubrité. C’est un calcaire fendillé, semblable à celui du mont Pharon de Toulon, dans lequel les eaux du ciel s’infiltrent à mesure qu’elles tombent; elles ne s’arrêtent point à la surface, et ce drainage naturel, bien autrement efficace que celui qu’opère la main des hommes, exclurait, quand la déclivité du sol serait moindre, le danger des exhalaisons. Des vents frais du nord et de l’est purifient d’ailleurs journellement l’atmosphère, et la mer est de trois côtés si voisine, qu’on s’attend à respirer à Pola le même air que sur le pont d’un vaisseau. Un médecin chargé en 1798 par le gouvernement autrichien d’étudier les causes de l’insalubrité de Pola l’attribuait à l’exploitation du saldame, sable destiné aux verreries de Venise, et à l’usage des eaux de l’abondante fontaine des bains romains qui coule sur le rivage entre la ville et le cirque. L’innocuité de la carrière de sable a bientôt été constatée, et quant à la fontaine, qui donne par vingt-quatre heures 75,000 hectolitres d’eau dans les temps ordinaires et 43,000 dans les sécheresses, M. Beautemps-Beaupré, après avoir fait faire deux analyses rigoureuses de ses eaux et s’en être lui-même abreuvé, l’a déclarée excellente: cet élément important d’un établissement maritime est à Pola aussi satisfaisant que possible. Le savant hydrographe a conclu, de l’exploration attentive des lieux, que l’insalubrité reprochée à Pola n’affectait point le havre, ne s’étendait pas hors des murs de la ville, et que dans son enceinte elle n’avait pas d’autre cause que l’excessive malpropreté des habitations, la stagnation de l’air et des eaux fétides dans des rues sans pavé. À ces causes d’infection, qui se maintiennent sous les yeux de l’administration autrichienne et qui disparaîtront quand elle le voudra, notre illustre compatriote ajoutait la misère et l’inertie de la population; elles étaient telles qu’avant l’affluence produite par les travaux de l’arsenal, la journée de terrassier se payait de 16 à 24 kreutzers en papier, c’est-à-dire de 40 à 60 centimes. Il est probable que le régime alimentaire de ces malheureux était pour beaucoup dans leur état de débilité; l’abondance du poisson dans le bassin les détournait de la culture pour la pêche, et ils ne vivaient presque pas d’autre chose. On remarque déjà que les troupes autrichiennes, qui sont bien nourries, n’éprouvent aucun malaise à Pola, et leur hôpital était presque désert à la fin de l’automne de 1854. On peut conclure de ces don-