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ment tenu compte de leur faiblesse relative, quand l’occasion s’est offerte de se lever en armes contre leurs oppresseurs. Associées aux anciennes possessions autrichiennes, elles se fondent aujourd’hui dans la seule assimilation que comporte la position qu’elles occupent sur le globe : la puissance des relations qui enlacent le bassin du Danube et la côte de l’Adriatique prouve clairement en effet que, de ces deux régions, la seconde n’est pas moins intéressée à appartenir à l’Autriche que l’Autriche ne l’est à la posséder. Entrée, après des siècles de méprises et de mécomptes, en possession de ses débouchés naturels, la navigation de l’Adriatique s’asseoit aujourd’hui sur des bases plus larges et plus sûres qu’elle n’en eut jamais.

Comment expliquer sans cela l’accroissement graduel de Trieste, et les irruptions par lesquelles son commerce répond à chaque amélioration qui se produit en Autriche ou en Hongrie? Un port qui n’était au commencement du XVIIIe siècle qu’une crique inaperçue sur une côte rocailleuse acquiert en quarante années de progrès, dont le premier mérite est de n’être que la conséquence naturelle d’un état de choses immuable, un tonnage double de celui de Bordeaux, égal à celui du Havre : que lui manque-t-il donc pour atteindre et dépasser celui de Marseille[1]? Si l’on veut prévoir son avenir, il suffit de considérer l’étendue et la richesse naturelle de l’empire dont l’exploitation lui est invinciblement dévolue, et de se souvenir que l’activité du mouvement maritime s’accroît avec celle du mouvement territorial auquel il correspond : on pourra, sans présomption, conclure qu’avant un siècle la population de Trieste sera peu différente de celle de Vienne.

Ces progrès de la marine marchande imposent à l’Autriche la nécessité de prendre parmi les puissances navales le rang que lui assignent la force actuelle de sa population maritime et les ressources futures de ses finances. Des hommes et de l’argent, ce sont là les bases de la marine militaire. Si, comme l’indiquent le mouvement de la navigation de l’Adriatique, les recherches faites en 1813 et la comparaison du matériel naval de la France et de l’Autriche, le personnel maritime de cette dernière puissance est de 55,000 marins, elle peut, quand elle le voudra, quadrupler sa flotte, qui consiste aujourd’hui en 6 frégates, 5 corvettes, 7 bricks, 6 goélettes, 16bâtimens à vapeur, 63 bâtimens de flottille, et qui porte en tout 850 pièces de canon. Ces forces n’occuperaient, en se réunissant, qu’une partie du havre de Pola, et les dimensions des travaux entrepris pour la fondation de cet établissement seraient bien mal calculées, si la

  1. Le mouvement du port de Bordeaux a été en 1855 de 873,509 tonneaux, et celui du Havre de 1,675,980 tonneaux, et ces chiffres sont un peu supérieurs à la moyenne décennale. A Marseille, le mouvement a été de 3,051,931 tonneaux.