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la maison de son fils aîné, en lui amenant ses trois enfans, Mary, Benjamin et Hannah. Newton n’avait pas, malgré ses essais de mécanique, montré de vocation bien précise, et sa mère n’eut pas d’abord grand’peine à le décider à s’occuper de la ferme comme son père et son aïeul. Il s’en tira fort mal, par incapacité et par négligence. Les moutons qu’il prétendait garder se perdaient, et les denrées étaient vendues au-dessous du cours. Lorsqu’il allait à Grantham porter du blé, il était plus souvent chez M. Clark qu’au marché, et le goût des livres commençant, la passion des mécaniques, des cerfs-volans et des cadrans solaires augmentant, tout alla de mal en pis. Il fit même vers cette époque, le jour de la mort de Cromwell, une expérience sur la force du vent que ses camarades et sa famille eurent raison d’admirer. Enfin peu à peu ses goûts élevés se dessinèrent ; un de ses oncles, M. Ayscough, le vit résoudre facilement un problème de géométrie, et sa mère se décida à compléter son éducation. M. Ayscough avait été élevé à Cambridge, et Newton partit en 1659 ou 1660 muni de lettres de recommandation pour les professeurs de Trinity-College, l’un des meilleurs établissemens de ces deux villes originales, consacrées uniquement à la littérature et à la science, et auxquelles l’Angleterre doit une partie de sa grandeur.

Il est impossible de suivre Newton dans tous les détails de sa vie à l’université. Il n’y a rien à ajouter sur ce point aux deux volumes de sir David Brewster, qui a compulsé tant de documens, découvert tant de manuscrits. La biographie qui nous occupe satisfait amplement à la plus exigeante curiosité. Elle contient pourtant peu de renseignemens sur les études de Newton, et il était peut-être impossible d’en réunir, car je crois que les études de l’université étaient et sont encore peu réglées et peu divisées, et les programmes des examens moins précis et moins limités qu’ils ne le sont dans nos établissemens. On est assez libre de s’occuper quand et comment on veut, et l’on examine les élèves autant sur leur capacité que sur leur instruction. Nous ne savons pas non plus très exactement quels étaient ses amis, si Newton à cette époque aimait la société ou la solitude, si dès-lors ses camarades et ses maîtres devinaient une supériorité qui devait être si précoce. Cependant, si on ne sait pas tout cela, c’est qu’il est impossible de le savoir, car sir David a tout étudié, et il a même publié des carnets de notes et de dépenses qui, s’ils étaient complets, pourraient donner quelques indications sur les progrès de son esprit et de sa raison. Ainsi, tandis que ses de penses ne portent d’abord que sur des marmelades, des gâteaux, des oranges, etc., peu à peu on voit des livres y prendre place. Il avait déjà lu l’Optique de Kepler, la Logique de Sanderson, un livre sur l’astrologie judiciaire, etc. Enfin il connut Euclide, et l’on raconte