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des physiciens, celui dont les découvertes précises sur la lumière ont pu faire dire à Pope qu’après tant de siècles de ténèbres,

Dieu dit : « Que Newton soit. » Et la lumière fut[1].

Et pourtant à cette époque, en 1669, Newton avait sinon achevé, du moins entrevu ses plus grandes découvertes. Il avait imaginé et employé le calcul des fluxions, d’où découle le calcul différentiel ; il avait assimilé la pesanteur à la force qui fait mouvoir les astres, inventé un télescope, perfectionné les miroirs paraboliques et de composé la lumière. Il avait alors vingt-sept ans.


II

« La philosophie, c’est-à-dire la science de la nature, a dit Galilée, est écrite dans ce livre immense qui se tient continuellement ouvert devant nos yeux (je veux dire l’univers) ; mais il ne peut être compris si l’on n’en entend auparavant la langue, et si l’on ne connaît les caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit dans la langue mathématique, et les caractères sont les triangles, les cercles, et les autres figures de la géométrie, sans lesquelles il est impossible d’en entendre humainement le langage. » Newton pensait ainsi, et ses premiers essais sont des découvertes mathématiques. Dès 1666, il avait trouvé la méthode des fluxions, qui fut pour lui toute sa vie un précieux instrument. Malheureusement la première des sciences, qui fut longtemps la seule science, est aussi celle qu’il est le plus difficile de comprendre sans la savoir et d’expliquer sans l’exposer. La botanique, la zoologie, la chimie, portent sur des objets qui sont journellement sous nos yeux, et quand on en entend parler, on sait aussitôt de quoi il s’agit. L’algèbre au contraire et l’analyse sont des sciences qui considèrent des quantités de nature abstraite, et ces quantités n’existent que parce qu’on les a nommées. Elles sont une création pure, dont les adeptes seuls connaissent les êtres, et l’enchaînement de ces êtres et des idées est tel qu’on n’en peut presque rien faire comprendre sans expliquer le tout. Le monde pourrait aller comme il va sans que les mathématiques existassent pour nous, et l’esprit humain aurait pu être ainsi fait, qu’il ne sentît pas le besoin de les inventer. Au contraire, le besoin ou la curiosité seule nous oblige à tenter de classer les animaux et les plantes, d’expliquer les phénomènes naturels et d’analyser les êtres qui nous entourent. Les mathématiques ont été créées à priori, sans que rien

  1. Nature and Nature’s laws lay hid in night.
    God said « Led Newton be, » and all was Light.