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mot du rôle que joue l’Angleterre aujourd’hui dans la rénovation de la politique commerciale du monde civilisé, et des conséquences que pourrait avoir pour elle un changement du tarif des douanes françaises.

Rappelons d’abord que le principe de la liberté commerciale, vers lequel il est évident qu’on gravite de toutes parts en ce moment, n’est pas d’invention anglaise. Notre Turgot le soutenait énergiquement avant la publication de l’immortel ouvrage d’Adam Smith, la Richesse des nations. Avant Turgot, Franklin en avait parlé dans ce langage d’une saisissante simplicité qui lui est propre, et si l’on remontait plus avant dans l’histoire, on verrait que, dans plusieurs contrées, des esprits éminens l’avaient recommandé déjà depuis des siècles. Chez nous, les délibérations des états-généraux en avaient retenti, et Jean Bodin demandait la liberté du commerce dans les états de Blois, sous le règne de Henri III.

L’Angleterre est-elle pour quelque chose dans la présentation du projet de loi portant retrait des prohibitions, qui a marqué la fin de la session dernière du corps législatif ? Est-ce un sieur Mac Grégor qui l’a provoquée, ou bien est-ce la chambre de commerce de Manchester épaulée par lord Clarendon ? Pour trouver la réponse à cette question, il suffit de se souvenir de l’impression qu’avaient laissée sur tous les esprits l’exposition universelle de Londres en 1851 et plus encore celle de Paris en 1855. La pensée qu’a eue le gouvernement d’abolir les prohibitions est née des succès prodigieux qu’avait obtenus l’industrie française dans ces solennités. D’un bout à l’autre, le cabinet anglais a été aussi étranger à ce qu’a fait le gouvernement français qu’a pu l’être le roi de Tombouctou. L’administration française a agi de son propre mouvement, elle a voulu effacer du tarif français une disposition violente qui n’y avait été introduite qu’à titre de machine de guerre, dans des temps où la France était à l’état d’hostilité furieuse avec toute l’Europe ; elle s’est proposé de suivre l’exemple que les autres peuples nous avaient donné, car le bon sens du reste de l’Europe avait déjà répudié la prohibition. Pour cette amélioration, qui au surplus, dans les termes où elle se produisait, était purement négative au point de vue de l’agrandissement des relations commerciales, le gouvernement français n’avait besoin de l’avis de personne. Il était suffisamment averti par le sentiment qu’il a des hautes convenances de la politique internationale.

Que la chambre de commerce de Manchester ait exprimé au gouvernement de son pays le désir de voir adoucir les incomparables rigueurs de notre législation douanière, et qu’en conséquence le cabinet britannique ait fait quelques communications au gouvernement français, c’est assez douteux, je dirai bientôt pourquoi, mais ce n’est