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mais on a paralysé les avantages naturels de nos tuiliers et de nos teinturiers et imprimeurs sur coton en enchérissant d’une manière artificielle, par le tarif des douanes, leur principale matière première, c’est-à-dire les filés de coton, et puis les substances tinctoriales, les rouleaux en cuivre et divers accessoires.

Pareillement, au moyen de la franchise de la fonte et des fers et aciers, nous prendrions une très grande part dans la fourniture du marché général en machines, en outils, en quincaillerie, en coutellerie. Il est de notoriété, parmi les personnes compétentes, que nos machines sont de la construction la plus parfaite, et que nous avons un art particulier pour mettre en œuvre les métaux. La locomotive, qui est la plus difficile de toutes les machines, celle qui requiert le plus de précision et de perfection en tout genre, se fait tout aussi bien en France qu’en Angleterre, sinon mieux. Et s’Il y a une différence dans le prix, c’est uniquement que le constructeur français paie la fonte le double, et le fer 40 ou 60 pour 100 en sus. On a pu voir, à l’exposition de Paris, des tuyaux énormes, en fonte, destinés à une distribution d’eau à la ville de Madrid. C’est une maison française qui les avait fondus, et qui avait pu avoir la préférence sur les fondeurs anglais à la faveur d’une disposition assez récente qui fait restituer les droits de douane lorsqu’on exporte des objets fabriqués avec de la fonte ou du fer étrangers. Un de nos constructeurs vient d’obtenir, de préférence aux Anglais, l’entreprise de ponts en tôle sur la Theiss, au fond de la Hongrie. Il supportera plus de frais de transport qu’un constructeur anglais, et les droits de douanes ne lui seront pas remboursés intégralement, parce qu’à la sortie la douane ne tient pas compte du déchet qu’ont éprouvé les matières brutes ; mais l’habileté du travail français lui a permis de surmonter ces obstacles. Je pourrais mentionner encore les nombreuses fournitures de métiers à filer et d’autres machines pour le travail du coton ou de la laine que nos ateliers de construction de l’Alsace ont expédiées en Allemagne, en Suisse, en Espagne, en Italie. Toutes ces exportations prendraient de bien autres proportions, si la fonte et le fer ne coûtaient pas plus cher en France que de l’autre côté du détroit, car l’expédient heureux du remboursement des droits sur les fontes et les fers bruts, qui est dû au gouvernement actuel, s’il écarte beaucoup de difficultés, en laisse subsister quelques-unes : non-seulement le remboursement n’est qu’incomplet, mais il est différé, et il n’a lieu que moyennant des formalités assez compliquées auxquelles il est incommode à l’industrie de s’assujettir.

Par ces exemples, que je choisis entre beaucoup d’autres, du tulle, des tissus de coton teints ou imprimés, des machines et ouvrages en fer ou en fonte, il est établi, ce me semble, que les prohibitionistes