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national ! Chez nous, qui soumettons l’industrie cotonnière à ces restrictions et à ces gênes, elle ne développe ses exportations qu’à pas lents ; chez les autres, qui laissent pénétrer les filés avec des droits très-modérés, elle voit ses débouchés grandir avec rapidité. Notre industrie du coton est pourtant supérieure à celle du Zollverein, de la Suisse, des États-Unis. Sur ce point, il n’y a qu’une voix en Europe et chez nous-mêmes ; mais comment nos ateliers de toiles peintes ou teintes, de tulle ou de mousseline, pourraient-ils beaucoup exporter ? Le régime prohibitif les met à la merci de la filature. Pour peu que les affaires soient prospères, celle-ci élève ses prix à un taux exorbitant en comparaison des prix du dehors, et elle ne les abaisse que dans les temps de crises. Nos fabricans de toiles peintes et de tulle, n’ayant ainsi que par accident les filés à un prix raisonnable, sont dans l’impossibilité de nouer des relations suivies sur le marché général, et, malgré l’excellence universellement reconnue de leurs produits, ils ne peuvent jamais avoir qu’une exportation bornée.

Mais, diront les protectionistes, qu’importe, si le travail national est florissant ? Oui sans doute, il l’est, mais ce n’est pas la prohibition qui en est la cause, car il l’est moins qu’il ne le serait s’il jouis sait d’un régime plus libéral. C’est encore la Suisse et le Zollverein qui vont nous en fournir la preuve. Pour la Suisse, qui ne protège pas du tout sa filature, un journal prohibitioniste disait ces jours passés qu’elle avait triplé le nombre de ses broches depuis vingt-cinq ans. Ce n’est point de ce pas que les choses marchent chez nous. Dans le Zollverein, la filature acquiert de très grandes proportions ; on en a la mesure par les quantités de coton brut qu’il reçoit. La moyenne des trois années 1841-42-43 était, pour le Zollverein, de 17 millions de kilog. ; pour la France, de 57,700,000 kilog. La moyenne des trois années 1852-53-54 (les dernières dont j’aie pu me procurer les chiffres pour le Zollverein) a été pour cette association de 39,180,000 ; pour la France, de 73 millions. L’accroissement est de 26 pour 100 pour la France, de 129 pour 100 pour le Zollverein. Pendant que nos filatures et les divers ateliers qui emploient les filés obtenaient un supplément de travail représente par 26, les industries similaires du Zollverein en acquéraient une proportion quintuple.

Les observations que je viens de soumettre au lecteur relativement à l’industrie cotonnière s’appliquent assez exactement à celle du fer. En 1855, l’Angleterre a exporté en fontes, fers et aciers bruts et ouvrés, en machines, quincaillerie et coutellerie, une masse valant 370 millions, et, déduction faite des matières brutes, 192. Il n’y a aucun motif, si ce n’est la cherté des matières, pour que nous ne nous emparions pas d’une partie très notable de ce commerce. En