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l’Union américaine, nous étions amenés à cette conclusion[1] : « Les luttes politiques sont définitivement vidées, et les partis les prolongent plutôt par obstination, et pour perpétuer leur propre existence, que dans l’espoir de rien conquérir les uns sur les autres. Des luttes nouvelles se préparent, bien autrement vives et redoutables que les luttes anciennes ; les questions territoriales tendent à se substituer définitivement aux questions administratives et politiques. Il y a la en germe toute une série de graves difficultés qui pourront mettre un jour en péril l’existence même de l’Union. » Le changement que nous prévoyions dès-lors est maintenant un fait accompli, et il porte toutes les conséquences que nous lui avions à l’avance attribuées. Le parti whig n’a pas survécu à sa défaite de 1852 ; le parti démocratique s’est décomposé au lendemain de sa victoire. Tous deux ont aujourd’hui cessé d’exister. De leurs débris sont nées sept ou huit coteries sans force, sans vitalité, incapables, faute de principes arrêtés et d’un but clairement défini, d’exercer une action sur l’opinion publique et de constituer un parti sérieux. Il n’y a plus de divergence aujourd’hui sur l’interprétation à donner à la constitution ; les questions financières et commerciales, qui ont été si longtemps le champ de bataille des partis, ont toutes été résolues, et ont cessé depuis longtemps de préoccuper les esprits. Un seul problème est demeuré, toujours écarté par les hommes politiques, toujours reparaissant avec les mêmes périls à sa suite : il s’agit de savoir comment on pourrait faire coexister l’esclavage et la liberté. Rien ne vient plus distraire l’opinion publique de cette pénible recherche. Aucune mesure n’est plus envisagée que dans ses rapports avec l’esclavage. Un état nouveau frappe-t-il à la porte de l’Union ? On examine de quel côté il fera pencher la balance. Demande-t-on des fonds et une concession de terres publiques, pour relier les deux océans par un chemin de fer ? On cherche à deviner à qui ce chemin profitera davantage, de l’esclavage ou de la liberté. Le président réclame-t-il une augmentation de l’armée ? On le somme de dire si les forces fédérales seront employées dans le Kansas pour ou contre les partisans de l’esclavage. Ainsi tout acte du gouvernement, toute de marche des partis ramène inévitablement cette question de l’esclavage, et met aux prises le nord et le sud. L’antagonisme des deux opinions, après avoir fait retentir la presse et la tribune des philippiques les plus passionnées et des provocations les plus menaçantes, se traduit maintenant dans le Kansas par des luttes à main armée, par un commencement de guerre civile. À voir l’ardeur avec laquelle de part et d’autre on s’intéresse à cette lutte, il semble que

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1850, la Société américaine et les Partis de l’Union.