Dans ceux mêmes de ses écrits où le l’on est le plus sérieux, où il parle du mariage avec le plus de respect apparent, il lui arrive à chaque instant de jeter de ces aphorismes ou de ces détails répugnans qu’il emprunte à sa science favorite, et qui blessent alors l’oreille comme une note aigre dans une mélodie. Dans la Recherche de l’Absolu par exemple, au milieu du portrait gracieux de Mme Claës, on tombe tout à coup dans des allusions fâcheuses aux mystères de l’alcôve et du lit conjugal. Dans Ursule Mirouet, livre dédié à une jeune fille, écrit pour les jeunes filles, il dissertera touchant « le phénomène inexplicable de la génération. » Celui de ses livres où ce défaut est le plus marqué peut-être, ce sont les Mémoires de Deux jeunes Mariées. Peindre cette phase charmante de la vie de la femme où la jeune fille se transforme en épouse et en jeune mère, analyser les mystérieux et confus sentimens qu’éveille dans des âmes vierges cette fraîche saison des chastes amours, soulever sans le déchirer le voile pudique qui couvre toutes ces choses intimes et saintes, — pour une telle tâche il fallait une main légère, délicate et discrète ; il fallait, disons-le, toutes les qualités qui manquaient à M. de Balzac. Aussi ce poème aimable de la jeune maternité, comme il le déflore et le souille ! Ce tableau, à la fois austère et gracieux de l’amour légitime, comme il le revêt d’une teinte de matérialisme ! Les sentimens, sous son pinceau, deviennent des appétits ; les affections de l’âme se changent en brutales convoitises, l’amour n’est plus que le plaisir des sens et le mariage qu’une source de voluptés légales. On assiste au plus triste de tous les spectacles, celui de jeunes cœurs gâtés par une science honteuse et atteints d’une corruption précoce. On entend des lèvres roses, où devrait s’épanouir le sourire de la candeur, débiter des maximes dépravées et mêler aux doux rêves du cœur les déplorables calculs d’un sensualisme raffiné. Ici c’est une fiancée qui se vante d’apporter en dot à son mari sa savante virginité[1], et qui, pédante raisonneuse, stipule avec lui à quelles conditions elle aliénera sa liberté et livrera son cœur. Ailleurs c’est l’épouse philosophe, « ayant étudié le code dans ses rapports avec l’amour conjugal, » qui développe à son amie l’application qu’elle sait faire dans son ménage des théories de Malthus[2]. Plus loin, l’une des amies reproche à son amie, qui a, dit-elle, « l’âme d’Héloïse et les sens de sainte Thérèse, de se livrer à des égaremens sanctionnés par les lois et de dépraver l’institution du mariage, » ajoutant que, « après avoir tué un premier amant, elle est arrivée à tuer l’amour[3]. » Enfin, et ceci explique comment le livre est dédié à