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fortune indienne. Comme la célèbre corporation, le profond politique comprit que les préjugés religieux étaient les seuls sentimens puissans chez ces hommes primitifs et crédules. Aussi, sous son influence, l’on s’abstint scrupuleusement de porter la moindre atteinte aux superstitions des natifs, et l’on continua dans toutes ses traditions le système des empereurs de Dehli.

Warren Hastings formula ses vues sur la question de l’éducation publique dans l’Inde, en accordant en 1781 le patronage de la compagnie au collège mahométan ou Madrissa de Calcutta, auquel il alloua une subvention annuelle de 3,000 liv. sterl. L’enseignement du Madrissa embrassa le persan, l’arabe, les mathématiques, l’astronomie, la médecine ; mais ces dernières études furent restreintes dans les étroites limites de la science orientale, et telles en un mot qu’elles l’eussent été, si le collège, au lieu de s’appuyer sur le patronage d’un gouvernement européen, eût reçu des subsides d’Akbar ou d’Aurungzebe. Une fois engagé dans cette voie contraire aux innovations, le gouvernement de la compagnie y persista résolument, et, pour témoigner de son impartialité religieuse, admit sur la liste de ses pensionnaires le collège sanscrit de Bénarès, dont la subvention primitive fut portée bientôt de 14,000 à 20,000 roupies. Le but principal de cet établissement était de maintenir intactes les traditions littéraires et religieuses des Hindous. Le professorat n’y était exercé que par des brahmes de la plus haute caste, et l’on y conduisait la discipline et les études conformément aux prescriptions du Dharma shatra, au chapitre de l’éducation. Bon nombre de très honnêtes gens ne connaissant pas plus le chapitre sur l’éducation du Dharma shatra que le Géronte du Médecin malgré lui ne connaissait le chapitre d’Hippocrate sur les chapeaux, nous jouerons quelque peu ici le rôle de geai paré des plumes du paon, en donnant un aperçu de la discipline de collège, telle que la comprend le Dharma shatra, et telle qu’elle se pratiquait Il y a quelques années à peine dans un établissement patenté du gouvernement anglais. Au commencement et, à la fin de chaque cours, l’élève est tenu de serrer respectueusement les mains de son maître et de venir toucher son pied droit de son pied droit, son pied gauche de son pied gauche. Il lui est surtout recommandé, au début et à la clôture des leçons, de prononcer la magique syllabe om, car, sans cette précaution, la science glisserait sur son cerveau comme l’huile sur le marbre : c’est le Dharma shatra qui l’assure du moins. L’élève ne doit, sous aucun prétexte, répondre aux ordres de son tuteur, lui parler étant assis ou couché, la bouche pleine ou la face détournée de lui ; tout ceci ne s’écarte guère des règles de la civilité puérile et honnête. Voici maintenant qui a plus de couleur locale : le pupille ne doit jamais