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moyenne de quinze ans environ, la bonne moitié portait d’imposantes moustaches, et était déjà passée, le professeur nous l’assura du moins, à l’état d’homme marié et de chef de famille. Deux mots pour terminer ce croquis de la salle des commençans, où se trouvent réunis une centaine de petits drôles qui chantent en chœur, avec de petites voix fêlées, a, b, c, d, et ba, be, bi, bo, bu, les yeux tournés vers un tableau qu’un vénérable brahme couvre de gros caractères. Plus de 4,000 enfans à Calcutta, dans les seuls établissemens des missions protestantes, reçoivent une éducation solide et pratique, et tout esprit libéral, en applaudissant à des succès réels, doit désirer qu’un plus grand développement soit donné à des institutions pleines d’avenir.

À quel prix l’éducation se développe dans l’Inde, c’est ce qu’on connaît maintenant : il ne reste plus qu’à comparer au chiffre du budget actuel de l’instruction publique le chiffre du budget d’Il y a quarante ans. En 1813, les sommes allouées à l’éducation européenne par la compagnie s’élevaient à 8,129 liv. sterl. La subvention de l’éducation dans l’Inde s’élève aujourd’hui à 9 lacs de roupies (2,500,000 fr.). On ne saurait donc nier le progrès. Ce chiffre toutefois, si l’on se rappelle qu’il s’agit d’une population de 140 mil lions d’individus et d’un budget de 600 millions de francs, a une assez triste éloquence pour qu’il ne soit point nécessaire de démontrer en de longs commentaires que le gouvernement de l’Inde est loin d’avoir satisfait à la charge civilisatrice qui lui est échue en partage. Non pas que l’on puisse se dissimuler les difficultés de la question de l’éducation publique dans l’Inde, les obstacles que les préjugés des natifs, la violence enthousiaste des sectes religieuses, les intérêts de la politique opposent aux efforts civilisateurs les plus énergiques et les mieux entendus ; mais tout en avouant qu’un progrès rapide est impossible, il est permis de reprocher au gouvernement de la compagnie d’avoir compliqué sa tâche par une excessive parcimonie, et surtout par une absence totale d’organisation et de système. Peut-on s’expliquer avec quelque apparence de raison que, dans une administration montée comme l’est celle de l’Inde, il ne se soit trouvé jusqu’à ces dernières années qu’un fonctionnaire, un seul, que ses devoirs attachassent exclusivement à la question de l’éducation. Il y a en effet quelques mois à peine que la sous-présidence des provinces nord-ouest était la seule division de l’empire indien où un inspecteur général fût chargé de la surveillance et de la direction en chef des établissemens d’éducation. Dans les autres présidences, ce département était administré par un board ou comité composé d’hommes éminens et bien disposés sans doute, mais qui, choisis selon le hasard de leur position, n’avaient ni les connaissances spéciales indispensables, ni même le temps nécessaire pour examiner