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On rencontre assez fréquemment dans les musées de Rome la tête de la respectable Antonia, mère de Germanicus. L’air sage et presque dévot d’Antonia est un peu d’une sainte et un peu d’une prude. L’image de l’honnêteté repose, rencontrée dans cette famille où l’honnêteté était si rare.

Le mot familia avait en latin le sens qu’il a conservé en italien, de domesticité. La famille se composait de tous ceux qui appartenaient au père de famille, qu’ils fussent de son sang ou dans sa dépendance. À ce titre, on doit placer dans la famille impériale cette foule d’affranchis d’Auguste et de Livie dont les urnes remplissaient plusieurs de ces grands sépulcres communs que l’on nommait columbaria. Bianchini croit que le nombre des urnes s’élevait à six mille. Sainte-Croix fait remarquer le contraste que présente ce luxe de serviteurs avec la prétention affichée par Auguste de ramener les mœurs à leur sévérité primitive. Il ajoute avec raison : « Quoique Auguste affectât une simplicité républicaine dans son habillement et sa manière de vivre, il avait néanmoins un état de maison comparable à celui d’un despote d’Orient. Les monumens publics suppléent là-dessus au silence de l’histoire. » En effet, les inscriptions sépulcrales des columbaria de la voie Appienne montrent, comme disaient les anciens de ces multitudes de serviteurs, un peuple, une armée d’esclaves et d’affranchis attachés à la personne de l’empereur et de l’impératrice. Il n’est pas d’office qui ne soit représenté, et la division, je ne dirai pas du travail, mais de la servitude, est poussée jusqu’à l’extrême. Il y a des préposés à la garde-robe, à l’argenterie, les uns pour la vaisselle, les autres pour les coupes à boire. Il y en a pour l’habit du matin, pour le vêtement royal, pour les grands vêtemens et pour les habits légers, pour la toilette, pour la chaussure; quelques-uns avaient la charge des statues du palais, d’autres celle des coffres au linge. Quand on entre dans celui de ces sépulcres qui existe encore, quand on lit les inscriptions qu’il renferme et celles qui en proviennent, il semble qu’on est transporté dans l’intérieur de la vie domestique d’Auguste et de Livie, et qu’on voit passer devant soi cette foule obscure qui les servait.

Pour achever l’histoire du règne d’Auguste par les monumens, il faut parler de ceux qui se rapportent à quelques hommes qui s’illustrèrent dans la guerre et dans la littérature. Je les ai désignés par le nom de courtisans; malheureusement ce nom s’applique à tous.

Ce nom ne convient à personne mieux qu’au gendre d’Auguste, Agrippa, qui, en lui rendant les plus grands services, mit toujours un soin extrême à s’effacer devant lui, ne s’attribuant jamais l’honneur de ce qu’il faisait, mais en reportant toujours la gloire au maître, de manière à ne lui causer nul ombrage. C’était chez Agrippa un système. Il disait à ses amis que « la plupart des princes n’ai-