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augmentera et se rapprochera de celle du cercle ; augmentez encore ce nombre, la différence deviendra plus petite, et si cet accroissement est infini, cette différence deviendra de son côté infiniment petite, car jamais le polygone ne pourra être plus grand que le cercle. La surface de ce polygone pourra donc être considérée comme égale à celle du cercle, puisqu’elle n’en différera que d’une quantité que l’on pourra rendre aussi petite que l’on voudra en augmentant indéfiniment le nombre de côtés, On peut ainsi mesurer l’aire de toutes les courbes en les supposant formées d’une infinité de lignes droites. Ceci montre comment il est possible de mesurer ces sortes de surfaces, et on arrive ainsi à, comprendre le procédé de Newton. Le grand observateur considère une courbe comme engendrée par le mouvement uniforme d’un point. Tandis que ce mouvement s’opère, tous les divers élémens qui constituent la courbe varient diversement et inégalement, mais du moins d’une manière liée qui résulte de la nature de la courbe, car toute courbe a, comme on dit en mathématiques, son équation, c’est-à-dire une expression particulière des, relations diverses de chacun de ses élémens. Connaissant le mouvement du point qui engendre la courbe et cette équation, on peut connaître à chaque instant les changemens ou les fluxions de ces élémens, la quantité dont la surface s’accroît, et par conséquent aussi la valeur finie (fluente) de l’élément considéré.

Il est souvent difficile de donner une définition d’une science à ceux qui ne l’ont pas étudiée ; en mathématiques, nous l’avons dit, c’est impossible. Aussi l’explication qui précède paraît sans doute peu claire, quoiqu’elle ait été simplifiée jusqu’à devenir presque inexacte, Nous ne tenterons pas d’aller plus loin, et d’expliquer comment ce genre de calcul a provoqué des découvertes infinies dans l’analyse mathématique et la philosophie naturelle, et comment il n’est peut-être pas de question scientifique un peu élevée qui n’en dépende, En 1665, Newton, se trouvant trop jeune pour occuper le public, ne publia point cette découverte, et se contenta de communiquer sa méthode à quelques amis qui ne gardèrent pas un secret qu’il n’exigeait point. Quelques années après, Leibnitz, qui s’était alors peu occupé d’analyse et de géométrie, vint à Londres, et commença sur les mathématiques une correspondance avec Oldenburg, qui, à propos de la mesure de l’aire des courbes, lui parla de la découverte de Newton. Il se mit bientôt en communication avec ce dernier, qui lui donna des détails, non sur ses procédés, il faut bien le remarquer, mais sur les résultats et les problèmes que la méthode permettait de résoudre. Leibnitz lui fit des objections, et un commerce épistolaire s’engagea, commerce dans lequel Newton parle de ses découvertes et de ses théorèmes mathématiques sans les démontrer ni les expliquer.