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Woodward passait pour en être l’auteur. Il s’en défendait, mais ne donnait pas de preuves, de sorte qu’il était assez mal vu. Un jour, à la séance de la société, Sloane parla d’un des mémoires de l’Académie des Sciences où l’on affirmait que les bézoards étaient des cal culs de la vésicule du fiel, et avança qu’ils pouvaient être la cause de la colique hépatique. Woodward attaqua avec une grande vivacité cette opinion, assez raisonnable pour le temps, et les membres de la Société royale furent témoins de la plus étonnante querelle qui ait jamais partagé une compagnie savante. Les mots les plus vifs furent échangés, et peu s’en fallut qu’on n’en vînt aux coups. Plusieurs séances de la société se passèrent à juger le débat et à donner raison tantôt au secrétaire Sloane, tantôt à Woodward. Newton fut pris pour arbitre, et quoique dans une occasion précédente il eût traité Sloane de rascal, villain, tricking fellow, il se rangea de son côté, et Woodward fut destitué.

Toutes ces querelles et les travaux de sa place détournaient Newton des mathématiques. Pourtant il consentit à publier une seconde édition des Principes. Bentley en fut d’abord chargé, puis un jeune mathématicien, nommé Cotes, dont la correspondance[1] avec Newton à ce sujet est précieuse. Les préparatifs furent assez longs, et l’édition ne parut qu’en 1713, avec une préface de Cotes. Elle fut plus répandue que la première, et le continent s’occupa sérieusement de la Société royale et de ses travaux. On voyageait aussi davantage en Angleterre, et la société choisit quelques membres étrangers, tels que le duc d’Aumont, le prince Menchikof, etc. En même temps l’Académie des Sciences fut reconstituée, et une lettre de Fontenelle, du 4 février 1714, annonça à Newton sa nomination comme associé étranger. Le gouvernement français lui offrit une pension qu’il refusa. Newton enfin était membre du parlement depuis 1701, et au dehors comme au dedans sa situation était digne de lui.


VIII

La princesse de Galles recevait une fois par semaine les hommes distingués du royaume. Un jour Newton, lui parlant de l’éducation de la famille royale, de l’histoire ancienne et de la chronologie, raconta qu’il avait composé un système complet de chronologie. La princesse obtint de lui ce petit traité manuscrit, qu’elle confia discrètement à l’abbé Conti, lequel, revenu en France, ne manqua pas d’en parler. Fréret le traduisit en français avec des observations et

  1. Correspondance of sir Isaac Newton and professor Cotes, edited by J. Edleston, M. A., fellow of Trinity-College, Cambridge ; in-8o, London and Cambridge 1850.