Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/908

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

UN


VOYAGEUR ANGLAIS


AUX ILES SANDWICH




Travels in the Sandwich Istands, by S. S. Hill ; 1 vol. in-8o, Londres, Chapman and Hall, 1856.





Les Anglais sont de terribles voyageurs ; ils, semblent doués en vérité de la faculté de locomotion, des dieux d’Homère, qui parcouraient le monde en trois enjambées. Je sais bien que, sans parler des rapides moyens de transport modernes, il faut rapporter en partie cette faculté à leur grande richesse, et surtout aux nécessités politiques qui leur font un devoir de visiter fréquemment les provinces lointaines de leur immense empire et les innombrables points du globe ou leurs intérêts sont engagés ; mais ce qui leur appartient en propre, et ce qu’aucun peuple ne possède au même degré, c’est leur infatigable ardeur, je dirais presque leur vigueur musculaire. Nous sommes essoufflés lorsque nous avons fait une simple excursion en Orient, ou pour avoir vécu quelques mois sous les tentes des Kabyles. Lorsque nous avons accompli une fois un voyage en Chine ou en Australie, nous avons besoin de toute une vie de repos. À notre retour, nous sommes tentés de croire à un miracle en nous voyant encore sur nos jambes, et tout le monde regarde avec curiosité un homme qui revient de si loin. Nous sommes tous un peu en Europe comme cet étudiant de Wittenberg, dont le docteur Luther parle dans ses Propos de table, qui partit un jour pour parcourir la terre, et qui, après avoir fait quelques lieues, revint effrayé s’asseoir devant le vieux foyer de famille en disant : « Comme le monde est grand ! » Les Anglais ignorent à la fois et cet étonnement naïf et cette nécessité