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Le véritable pèlerinage à une demeure champêtre d’Horace, c’est celui qu’on peut faire à sa villa de la Sabine. S’il n’y reste de sa maison que des briques et des pierres enfouies à l’endroit où une esplanade en fait reconnaître aujourd’hui l’emplacement, les lieux voisins portent des noms dans lesquels on a pu retrouver les anciens noms. Le village de Mandela, dont Horace était voisin, s’appelle Bardella; la Digentia est devenue la Licenza. Il y a aussi la fontaine d’Oratini, et, tout près des débris de l’habitation, la Colline du Poète, Colle del Poetello. Ce pèlerinage, je ne l’ai point fait; je m’engage à l’accomplir. En attendant, j’ai presque vu tous les environs de la villa sabine d’Horace par les dessins de M. Bénouville et les explications de M. Noël Desvergers, qu’on trouve dans le nouvel et charmant Horace de M. Didot. Cette villa est celle que Mécène avait donnée à Horace. C’était « ce champ modeste qu’il avait rêvé, avec un jardin, auprès une eau toujours vive et un peu de forêt au-dessus. » La végétation a été changée par la culture, mais les grands traits du paysage subsistent. L’on voit toujours la chaîne de montagnes qui est coupée par une vallée profonde, celle où coule la Licenza. L’abbé Chaupy, à qui revient l’honneur de s’être le premier bien orienté dans ces localités consacrées par le souvenir d’Horace, fait remarquer la justesse de tous les détails de cette description que le poète semble s’excuser de faire si longue, loquaciter, et qui est renfermée dans quelques vers. La vallée est en effet étroite et profonde. Il y a au midi une montagne au pied de laquelle on suppose qu’était la maison d’Horace, et cette montagne est tellement placée, dit Chaupy, « que la maison du poète était frappée librement par le soleil la matinée dans son côté droit, mais qu’elle n’en recevait par son flanc gauche que quelques rayons échappés vers le soir. » On voit avec quelle conscience le bon abbé établit l’exactitude de la description horatienne, et prouve le mérite topographique de ces vers charmans et précis :

Continui montes ni dissocientur opacâ
Valle, sed ut veniens dextrum latus aspiciet sol,
Lævum decedens curru fugiente vaporet.

Quand on est à Rome et qu’on aime Horace, on le suit encore plus loin. On se met en route avec lui lorsqu’il part pour Brindes, et on l’accompagne au moins jusqu’à Terracine, à la frontière de l’état romain.

En mettant le pied sur la voie Appienne, Horace la salue comme la reine des grandes routes, et encore aujourd’hui nous comprenons son admiration, quand nous la parcourons après lui, marchant entre deux rangées de tombeaux de toutes les formes, de tous les âges, dont les débris attestent la magnificence infiniment variée, dont