La population du Yorkshire est une de celles où se retrouvent, mêlés à plus forte dose, les vieilles qualités et les vieux défauts de l’Angleterre. Les hommes du Yorkshire, dit mistress Gaskell, frappent même leurs voisins du Lancashire par leur force de caractère. La vieille nature anglo-saxonne domine chez eux. Ils sont durs, inhumains, inhospitaliers, incharitables. Ils sont fidèles et loyaux, mais envers les leurs seulement ; l’étranger ne leur inspire que défiance et aversion. La profondeur du sentiment anglais existe en eux, mais il faut aller la chercher sous une couche épaisse d’insociabilité et de rudesse. Leur abord est celui de boules-dogues ; ils grognent et montrent les dents. On peut dire, à leur excuse, que leurs défauts sont engendrés par leurs qualités ; leur rude affection pour les leurs engendre l’insociabilité ; leur indomptable indépendance engendre l’inhospitalité. Tout Anglais compte avant tout sur lui-même, mais le Yorkshireman, exagérant cette vertu nationale, ne compte exactement que sur lui-même. Il ne demande l’assistance de personne, et il n’offre jamais la sienne : il croit au succès et n’estime que le succès. Un homme qui ne réussit pas n’a aucun prix à ses yeux. C’est assez dire que cette population n’a pas le sens des qualités délicates, et qu’elle ne croit qu’aux choses immédiates et tangibles. Les qualités et les défauts anglais qui nous sont familièrement connus se retrouvent en eux, mais condensés, concentrés, et sans aucun de ces alliages aimables que la civilisation y a introduits dans d’autres parties du pays, de sorte que cette population présente comme un résumé de ce que l’Angleterre a de vigoureux, de cruel et de barbare. C’est une image d’airain, âpre et forte, de l’Angleterre, forgée et sculptée comme par un artiste sans délicatesse, et dont la matière l’emporte sur la main-d’œuvre. La vigueur des haines anglaises, par exemple, se retrouve exprimée avec une effrayante énergie dans le proverbe particulier aux habitans d’Haworth : « Mets une pierre dans ta poche, garde-la sept années, retourne-la et garde-la sept ans encore, afin qu’elle soit toujours prête sous ta main, quand ton ennemi s’approchera. » La croyance au succès, la chasse à l’argent, chère à toute intelligence anglaise, ne peuvent être mieux illustrées que par cette anecdote que racontait miss Brontë. Un homme qui avait toujours été heureux dans toutes ses entreprises eut l’idée de prendre pour lui-même une assurance sur la vie. À quelque temps de là, il tomba dangereusement malade, et le médecin lui révéla le péril où il était. « Par Dieu ! s’écria-t-il en se relevant, je la ferai au même, la société d’assurance ; j’ai toujours été un heureux cadet. »
Tel présent, tel passé. Leur indépendance a toujours été extrême. Au temps des guerres civiles, les yeomen du Yorkshire vinrent en foule remplir l’armée de Cromwell, et aujourd’hui encore ils sont ardemment républicains. Nulle part, dit mistress Gaskell, l’attachement