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avait au fond le cœur tout romain ; il le montra sous les règnes d’Avitus et de Majorien en venant se joindre aux expéditions alors dirigées contre les Vandales. Sa présence en Sicile fut même signalée par quelques exploits brillans ; mais Ricimer le repoussait toujours. Ricimer, son ancien compagnon d’armes et son ennemi, s’interposait entre le gouvernement romain et lui chaque fois qu’ils voulaient se rapprocher, et le chef dalmate mécontent se retira au milieu de son peuple, décidé à oublier cette Rome dont un Barbare écartait les Romains. Pourtant Léon réussit à l’apaiser ; Marcellinus consentit à faire partie de la nouvelle expédition ; il livra sa flotte, sa petite armée, sa personne, pour le service de l’empereur d’Occident, et reçut en récompense le titre de patrice. Ricimer n’osa pas s’opposer de vive force à des arrangemens que tout le monde semblait désirer, mais il en conçut une sourde et profonde colère : laisser s’introduire dans les affaires du gouvernement occidental un homme d’un tel mérite et d’une telle popularité, c’était abdiquer son pouvoir, et il jura de ne le pas souffrir longtemps. Il s’abstint, sous divers prétextes, de toute coopération personnelle à la guerre qui allait s’ouvrir ; Anthémius l’imita, et l’empereur et le patrice restèrent en Italie face à face, occupés de leurs communes affaires, et uniquement soucieux, l’un de veiller sur son trône, l’autre d’observer son maître.

La voix publique en Occident décernait à Marcellinus la conduite de la guerre ; mais les intrigues du palais de Constantinople, et peut-être au fond l’orgueil des Orientaux, lui donnèrent un prompt démenti. Sur les marches du trône d’Orient se trouvait un personnage nommé Basilisque, frère de l’impératrice Vérine, femme de Léon, esprit épais et infatué de lui-même, qui, favorisé par le hasard dans quelques commandemens importans, se regardait comme le premier général de l’empire, et répétait complaisamment que Léon sans lui aurait cessé de régner. À force de se croire ainsi la sauvegarde du trône, il en vint peu à peu à y convoiter une place, à ne voir que disgrâce et noire ingratitude dans les honneurs dont l’empereur le comblait, et à se rapprocher de ses ennemis. Le frère de l’impératrice devint le confident, l’instrument, le complice de quiconque haïssait le prince ou conspirait dans l’ombre contre son pouvoir. L’empire de Constantinople, comme celui de Rome, avait alors son tuteur en la personne d’Aspar, barbare alain ou goth (les historiens ne sont pas d’accord), premier patrice d’Orient et généralissime des armées impériales. L’influence que cette haute position lui donnait, Aspar, lors du décès de l’empereur Marcien, l’avait mise au service de Léon, qui lui dut incontestablement la couronne : nous dirons plus tard à quelles conditions.

La bonne intelligence ne fut pas de longue durée entre le protégé