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Les cheveux étant d’ordinaire, chez les juifs surtout, un des plus beaux ornemens de la femme, elle doit, dès son entrée dans la vie conjugale, en faire le sacrifice à son mari, renoncer ainsi en sa faveur à toute coquetterie et s’ôter bénévolement tout moyen de plaire. En vérité, je ne sais trop si le but que se propose la loi est toujours atteint : le joli petit bonnet orné de rubans roses et bleus qu’on place sur le bonnet de satin noir, et le bandeau de velours destiné à remplacer les cheveux, font souvent ressortir d’une façon très piquante les traits de la jeune mariée. Il est vrai que ce bandeau de velours lui-même, et à plus forte raison le tour inventé depuis, sont déjà des infractions à la vieille tradition ; celle-ci, ne souffrant pas même l’ombre d’un compromis, n’admettait, à la place des cheveux, qu’une simple dentelle tombant à cru sur le front. Eh bien ! le dirai-je ? cette coiffe, quelque sévère qu’elle soit, était encore à l’avantage de la jeune femme, et j’ai vu dans mon enfance quelques jeunes juives à qui cette dentelle, tombant sur un beau front blanc, donnait je ne sais quel air ravissant d’antique pudeur et de patriarcale chasteté.

Telle fut la cérémonie des tresses. Quand la fiancée redescendit dans la cour, le cortège se forma pour se rendre à la synagogue, où la bénédiction nuptiale allait être donnée. Six musiciens marchaient en tête. Venait ensuite la fiancée, voilée et revêtue de ses habits mortuaires, — ainsi le veut l’usage, — coiffée d’une espèce de turban à bandelettes d’or, et appuyée sur les bras de sa mère et de sa future belle-mère. À côté et derrière elle, dans l’ordre de leur parenté, de leur importance ou de leur intimité, s’avançaient les matrones de Wintzenheim et des villages voisins, toutes raides et toutes empesées dans leur toilette de grande cérémonie, sur laquelle éclataient force bijouteries et pierreries, La femme israélite a pour les bijoux une passion qui semble lui venir de l’Orient, et si de nos jours elle ne porte plus, comme du temps d’Isaïe, des sonnettes au cou et des bagues au nez, elle a des anneaux aux doigts et des chaînes sur les épaules. La plus pauvre des femmes juives de la campagne a son petit trésor de joyaux, auquel elle tient comme à la prunelle de ses yeux, et j’en sais plus d’une qui, pressée par le besoin, se priverait de nourriture une semaine tout entière plutôt que de se défaire de son petit écrin, soigneusement serré depuis la soirée des sablonoth.

Derrière le groupe féminin se tenait le fiancé, ayant à sa droite son père et Salomon son oncle, à sa gauche son beau-père, l’honnête parnass du village. Suivaient un grand nombre d’étrangers. Çà et là se mêlaient aux jeunes hommes quelques bons vieux aïeux d’un autre temps, avec le grand habit à la française, à larges basques,