yeux des hommes étrangers à la science, il ne lui était pas défendu de traiter librement la physionomie des personnages, je dis librement tout en respectant le caractère de la donnée. Or les personnages représentés par M. Matout expriment très clairement ce qu’ils doivent exprimer. Maître, élèves, patient sont dans leur rôle. Autorité, attention, confiance, tout est rendu avec évidence. Je ne crois pas que l’interprétation dût se montrer plus hardie. L’invention proprement dite, dans l’acception la plus large du mot, n’était pas permise en pareille occasion. M. Matout n’a méconnu aucune des conditions qui lui étaient imposées, et nous pouvons, sans manquer à la vérité, dire que son travail se recommande par des qualités solides. Son Ambroise Paré avait attiré l’attention sur son nom ; le tableau dont je viens de parler ne sera pas accueilli avec moins de bienveillance : ne rien négliger pour accomplir sa tâche jusqu’au bout, réunir tous les renseignemens qui peuvent donner aux personnages un accent de vérité, voilà ce qu’il fallait faire, et l’auteur n’y a pas manqué. Je souhaite qu’il ait à traiter bientôt un sujet d’une autre nature, qui intéresse un plus grand nombre de spectateurs. Nous saurons alors s’il est capable d’inventer, car jusqu’ici il n’a guère montré que l’intelligence de la réalité. C’est un mérite dont je ne fais pas fi, mais un peintre qui aime son art ne doit pas s’en tenir là. M. Matout est plein de zèle, de bonne volonté. Après avoir essayé ses forces dans la représentation des scènes empruntées à la clinique, j’espère qu’il se trouvera plus à l’aise dans l’histoire profane ou l’histoire sainte.
Nous retrouvons M. Courbet tel que nous le connaissons depuis ses Baigneuses, qui ont excité tant de scandale. Il exprime habilement ce qu’il veut, mais ce qu’il veut est toujours singulier, et blesse le goût des moins délicats. Ses Demoiselles des bords de la Seine semblent un défi porté à tous ceux qui ont blâmé le choix des sujets qu’il se plaît à traiter. Comment est placée la femme qu’il nous montre ? Je ne me charge pas de le deviner. Il y a pourtant du talent dans cette figure étrange, un talent d’exécution que personne ne peut songer à contester ; mais quel talent mal dépensé ! Toutes les remontrances viennent échouer contre l’obstination de l’auteur : lui dire qu’il se trompe est parfaitement inutile. Je croyais d’abord qu’il avait choisi le scandale comme un moyen de succès, avec l’intention de prendre une autre voie dès que son nom serait connu. Maintenant je commence à changer d’avis, car son nom est connu, et il persévère. La réalité, qu’il imite avec adresse, est à ses yeux le dernier terme de l’art ; il ne voit rien au delà, ses ouvrages nous donnent le droit de le penser. Sa Biche forcée à la neige ne manquerait pas d’intérêt, si la neige, au lieu de monter perpendiculairement