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Parmi les portraits, je ne peux guère louer qu’un très beau portrait de femme de M. Hippolyte Flandrin. Le portrait de l’impératrice par M. Winterhalter, quoique très supérieur au Décaméron de 1855, n’est pas dessiné avec assez d’élégance pour obtenir l’approbation des connaisseurs. M. Ricard continue d’imiter l’école vénitienne et oublie de modeler. MM. Horace Vernet et Larivière ; n’ont fait que des portraits d’un style assez mesquin et d’une couleur très peu satisfaisante. Le portrait équestre de l’empereur n’a pas même les qualités auxquelles M. Vernet nous a depuis longtemps habitués. Le cheval manque de vie, et les épaules sont modelées avec négligence. Les maréchaux Canrobert et Bosquet sont d’un ton cru qui rappelle les papiers peints. Le maréchal Baraguey-d’Hilliers, l’amiral Parseval-Deschênes n’ont pas mieux inspiré M. Larivière. Le portrait au pastel de Mme la comtesse de Castiglione prouve trop clairement que M. Giraud n’a pas étudié les pastels de Latour. S’il les eût étudiés, il n’aurait jamais songé à traiter la forme de son modèle d’une manière si sommaire. Le visage, sans être dessiné très purement, est au moins indiqué de façon à contenter ceux qui ne tiennent pas à la précision ; quant au torse, quant aux membres, il n’en est pas question. La robe est vide et tombe comme un rideau.

Le paysage est aujourd’hui, j’ai regret à le dire, la partie la plus florissante de la peinture française. Bien des gens s’en réjouissent, les vrais amis de la peinture s’en affligent à bon droit. La prospérité du paysage ne serait pas un fait à déplorer, si la composition, dans ce genre d’ailleurs très digne d’intérêt, avait autant d’importance que l’exécution ; mais, pour le croire, il faudrait fermer les yeux à l’évidence. L’école française compte aujourd’hui des artistes habiles dans l’imitation de la nature ; ceux qui associent le paysage à l’expression d’une pensée sont malheureusement trop faciles à compter. Cependant la notion de l’idéal n’est pas encore complètement perdue. Pour le prouver, il me suffira de nommer M. Corot. Personne n’a oublié son Joueur de flûte, qui pouvait se comparer aux plus fraîches idylles de Théocrite. M. Corot est encore aujourd’hui le représentant le plus heureux du paysage poétique. Il possède toutes les qualités qu’il possédait il y a dix ans ; mais si sa pensée a conservé toute sa grandeur, s’il est toujours aussi ingénieux dans l’invention, il exprime toujours ce qu’il a conçu avec la même gaucherie, la même maladresse. Il sait très bien ce qu’il veut, et ce qu’il veut est presque toujours digne de louange. L’heure venue de traduire sa volonté, sa main hésite ; on dirait que sa vue se trouble et n’aperçoit plus qu’à travers un nuage le modèle qu’elle avait d’abord contemplé dans toute sa pureté. Si M. Corot savait présenter sous une forme précise les fruits de son imagination, il