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D’abord ces quelques puissances forment la majorité, et Rechid-Pacha se fait une grave illusion, s’il pense que les gouvernemens qui ont cru devoir protester récemment ne tiendront pas compte à la Turquie de la conduite qu’elle aura suivie. L’union pourra avoir contre elle l’opinion du divan moldave tel qu’il va être composé, mais il n’en résulte pas que dans l’organisation nouvelle qui sera donnée aux principautés, le cabinet turc doive trouver un agrandissement de prérogatives. Bien au contraire, les puissances seront conduites à limiter le plus possible ces prérogatives et à mesurer leur sympathie pour la suzeraineté ottomane au degré du concoure qu’elles auront rencontré à Constantinople. Que l’Autriche combatte l’union par tous les moyens, cela se conçoit ; l’Autriche est mue par un intérêt évident. Elle a dans ses provinces des populations sur qui la formation d’un état roumain pourrait exercer une fascination irrésistible. Il n’en est pas de même pour la Turquie ; Rechid-Pacha n’est ici que l’instrument de l’Autriche et de lord Stratford de Redcliffe, qui ne combat peut-être l’union que parce qu’il ne l’a pas proposée le premier. Quoi qu’il en soit, c’est là qu’en est aujourd’hui la question, et le dernier incident de cette étrange affaire, l’un des plus graves, est la protestation des quatre puissances contre le système arrêté de falsification par lequel on se prépare à produire en Moldavie une opinion factice à la place de l’opinion vraie, que l’Europe voulait connaître avant de se prononcer définitivement sur la reconstitution des principautés.

La politique en France a pris dans ces derniers temps une animation qu’on peut bien appeler inaccoutumée. Cette animation d’un moment venait des élections ; les élections sont terminées aujourd’hui ; et les derniers signes de cette courte agitation ont déjà disparu. Les élections viennent de se compléter en effet par un nouveau scrutin qui a eu lieu à Paris et dans quelques départemens. À Paris, ce sont les candidats de l’opposition qui ont définitivement triomphé, et l’un d’eux est le général Cavaignac. Dans les départemens, dans la Somme, dans la Mayenne, le choix des électeurs s’est prononcé pour des candidats, sinon absolument opposans, du moins indépendans et non officiels. À Angers, le candidat du gouvernement ne l’a pas emporté sans effort et sans être serré de près par son concurrent. Il s’ensuit que dans ce second scrutin c’est l’opposition qui a la majorité, et ce résultat n’a pas laissé d’éveiller une certaine impression. Cela change-t-il cependant le caractère général des dernières élections ? Serait-il possible d’en dégager quelques lumières nouvelles ? Malgré tout, ce vote ne diffère pas essentiellement du précédent, il a le même caractère, si ce n’est qu’il montre mieux peut-être dans un cadre plus restreint ce qu’il y a parfois de mystérieux et d’imprévu dans le suffrage universel. M. le ministre de l’intérieur résumait il y a peu de jours, le résultat des quatre ou cinq grands scrutins, qui ont eu lieu depuis 1848, et il montrait, comme pour répondre au dernier vote, que l’opposition, au total, est toujours allée en diminuant numériquement. Les combinaisons numériques ne sont pas toujours sans doute des combinaisons politiques, et on peut au moins conclure des dernières élections que le suffrage universel est un élément difficile à manier. Tandis que cette petite crise électorale vient de finir en France, l’expédition de la Kabylie se poursuit en Afrique au milieu de combats nouveaux et de travaux de toute