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deux sortes. Les unes ont pour objet d’établir sur les fondations charitables les droits et la surveillance du pouvoir civil, les autres d’assurer l’action sincère et efficace de ces fondations, en prévenant les désordres, les négligences, les faux emplois qui s’y glissent trop souvent. Je n’en repousse, je n’en conteste aucune ; je fais seulement remarquer qu’à moins que, dans l’application, elles ne soient étrangement abandonnées, ces garanties doivent atteindre leur but. Qu’on relise l’énumération que je viens d’en donner en résumant le projet de loi : depuis la première pensée qui les a conçues jusqu’à l’acte définitif qui leur assure une existence complète, les fondations charitables tombent sous l’œil et la main du pouvoir civil, royal, électif, administratif, judiciaire. Le conseil de la commune et la députation permanente de la province les examinent ; le bureau de bienfaisance en délibère ; le gouvernement du roi leur accorde ou leur refuse l’autorisation ; c’est à côté et comme sous l’aile du bureau de bienfaisance qu’elles vivent ; leurs agens sont soumis aux mêmes règles, à la même responsabilité, à la même publicité que les siens ; l’administration centrale et l’administration communale les inspectent ; les tribunaux ordinaires les jugent ; leurs possessions territoriales sont limitées. On a peine à imaginer ce qu’on pourrait faire de mieux pour imprimer plus fortement aux fondations de la liberté religieuse un caractère laïque, et pour les lier plus étroitement au pouvoir civil. Veut-on aller plus loin ? On arrivera bientôt, soit à les interdire absolument, soit à les absorber complètement dans l’état.

C’est là, en effet, qu’on était arrivé à Bruxelles en 1847, et ce qui a déterminé en 1856 la présentation du projet de loi dont le débat vient d’être si violemment interrompu. Avant 1847, la législation des fondations charitables avait traversé en Belgique des fortunes diverses. Dans les anciens Pays-Bas et sous le gouvernement de la maison d’Autriche, la liberté était réelle à cet égard, quoique mal réglée : entre le pouvoir souverain, les autorités municipales et l’indépendance de la charité privée, la limite flottait un peu incertaine ; mais les conditions comme le but des fondations charitables étaient habituellement respectés, et elles poursuivaient avec sécurité leur œuvre selon leurs propres règles et par leurs propres mains. Avec la conquête et la révolution, la France importa en Belgique la centralisation et l’absorption des fondations charitables dans le domaine et sous le pouvoir de l’état, seul chargé de l’assistance publique. Le consulat et l’empire revinrent à des maximes plus saines et à des pratiques plus justes ; diverses fondations charitables furent autorisées à cette époque avec des administrateurs spéciaux et aux conditions voulues par les fondateurs. Au temps du royaume des Pays-Bas,