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Il faut, en premier lieu, répondre à cette demande : se trouve-t-il des ossemens humains parmi les fossiles de Pikermi ? Entre les questions géologiques qui intéressent les gens du monde, nulle n’est plus fréquemment posée que celle de l’époque où l’homme apparut sur la terre ; nulle en effet n’est plus digne de nos préoccupations. L’auteur de la Genèse nous a représenté l’homme comme la dernière œuvre du Créateur ; d’accord avec Moïse, les géologues n’ont point, jusqu’à présent, observé de traces de la race humaine dans les terrains formés antérieurement au dernier renouvellement des êtres sur le globe. Si l’homme eût apparu avant ce dernier renouvellement, on retrouverait ses ossemens, tout au moins on rencontrerait des débris de son industrie. En effet, quel que soit le sol qu’il ait foulé, il y a laissé des marques de son passage, — des pierres taillées, des métaux, des terres cuites. Dans les pays de l’Orient, aujourd’hui déserts, qui ont été le séjour des peuples antiques, j’étais souvent étonné de la profusion des briques et des pierres taillées. L’homme, si primitif et si sauvage qu’il soit, laisse l’empreinte de son intelligence sur la matière qui l’entoure ; s’il ne pouvait marquer sa trace, ce ne serait plus un homme, ce serait un être d’un ordre inférieur, et rien ne prouve qu’il ait ainsi commencé. À Pikermi, dans les couches où se recueillent tant de débris de singes et de quadrupèdes divers, aucune brique, aucune pierre taillée n’a frappé nos regards. Bien plus, on n’a découvert dans cette localité aucun vestige des mammifères qui existent aujourd’hui : tous les ossemens fossiles qu’on a trouvés appartiennent à des espèces actuellement perdues. Ainsi l’époque pendant laquelle vécurent les êtres enfouis à Pikermi ne peut être contemporaine de celle où l’homme parut, lui et tout le cortège des animaux qui vivent de nos jours.

Les singes ont, au point de vue philosophique, un intérêt capital, par suite de leur ressemblance matérielle avec l’homme, qui, selon plusieurs naturalistes, ne serait qu’un animal perfectionné. C’est principalement par l’étude des êtres anciens que l’on peut arriver à reconnaître si les espèces, malgré les relations apparentes qui les unissent, sont distinctes les unes des autres, ou si les différences observées entre les espèces ne proviennent pas des modifications d’un même individu.

Les musées de la France ne possédaient jusqu’à ce jour qu’un petit nombre d’ossemens fossiles de singes. Les échantillons, d’une parfaite conservation, recueillis à Pikermi forment aujourd’hui une des plus grandes richesses du musée géologique de Paris. Les têtes des singes sont entières, garnies de toutes leurs dents, disposées aussi régulièrement que si les animaux venaient de périr. Nous avons aussi des os de toute sorte, et en particulier des os des mains de devant et de derrière ; on sait en effet que les singes n’ont point,