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avait tenté vainement de détruire. Leur camp fut démantelé. Ce lieu, dont l’enceinte existe en grande partie, perdit son importance dans l’histoire romaine, où depuis Tibère il avait joué un si grand rôle, et dut prendre dès-lors quelque chose de l’air abandonné qu’il a aujourd’hui. La formidable forteresse où se firent et se défirent tant d’empereurs est maintenant une paisible vigne des jésuites, retraite rurale destinée à la récréation de leurs élèves, et où l’on ne voit, au lieu de prétoriens farouches, que de tranquilles néophytes qui s’ébattent discrètement, tandis qu’un religieux se promène au milieu d’eux en lisant son bréviaire. Constantin, qui devait transporter Rome à Byzance, ne voulut pas laisser derrière lui ce fort de la soldatesque, si longtemps redoutable aux empereurs même présens. De plus, les prétoriens avaient proclamé et soutenu son rival Maxence. Constantin vengea donc sa propre injure en vengeant tous les empereurs que les prétoriens avaient massacrés.

Je dois parler d’un grand fait de la vie de Constantin, qui est lié à l’histoire de la Rome antique, car on peut le considérer comme une des principales causes de sa fin : c’est la translation du siège de l’empire en Orient. Le jour où Constantin prit ce grand parti, l’arrêt de mort de Rome fut prononcé. Dans un empire où la centralisation politique était ce qu’elle fut toujours dans l’empire romain, ce qu’elle était devenue, surtout depuis Dioclétien et sous Constantin lui-même, la présence de l’empereur pouvait seule défendre la capitale contre les Barbares, et on peut croire qu’elle l’eût défendue. Il tint à peu de chose que Rome ne les empêchât d’entrer dans ses murs. Alaric s’y prit à trois fois pour y pénétrer. Bélisaire en repoussa Vitigès. Les papes protégèrent la cité de saint Pierre contre les Lombards, qui pendant trente ans en menacèrent les murailles sans pouvoir les franchir, et plus tard contre les Sarrasins. Constantinople, qui vit de très bonne heure les Barbares à ses portes, entre autres les Russes, résista huit cents ans à l’invasion. Rome eût fait de même, et au XVe siècle il ne se serait pas trouvé là des Turcs pour la prendre. Constantin, qu’une inscription gravée sur son arc de triomphe appelle le libérateur de Rome, en fut le premier destructeur. Dès ce moment, l’histoire monumentale de Rome est presque terminée, et je n’aurai plus guère à raconter que l’histoire de ses ruines.

Une seule chose excuse Constantin. La pensée de transporter en Orient le siège de l’empire n’était pas nouvelle. On l’avait attribuée à César. Il existait une affinité naturelle entre l’Orient et le despotisme. L’Orient avait attiré plusieurs empereurs. Adrien y avait beaucoup voyagé. Caracalla y avait passé douze ans et y était mort. Dioclétien préférait à Rome, où il ne fit que paraître, le séjour de