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répriment l’Autriche ; les villes allemandes démolissent les châteaux des burgraves pillards. Ainsi vivent les princes et les cités, « faisant charrier droit les uns les autres. »

Pourquoi ces « aiguillons et choses opposites que Dieu a donnés à chacun état et quasi à chacune personne ? » Commynes les croit nécessaires à cause de la « bestialité et mauvaistié » des princes, qui ne savent point jusqu’où « s’étend le pouvoir et seigneurie que Dieu leur a donné sur leurs subjects. » Ils ne le savent point par eux-mêmes, et « peu les hantent qui le sachent, » et s’il en est quelques-uns, « si ne le veulent-ils dire, de peur de leur déplaire. » Il faut donc conclure que « ni la raison naturelle, ni notre sens, ni la crainte de Dieu, ni l’amour de notre prochain ne nous garde point d’être violens les uns contre les autres. » Il énumère alors assez longuement les abus de pouvoir qui tourmentaient le pays de son temps : usurpations, rapines, abus de la force militaire, impôts arbitrairement arrachés, oppression des faibles, justice partiale et vendue, dépenses inutiles, misère des paysans. « Comment donc, ajoute-t-il, se châtieront les hommes forts, qui tiennent leurs seigneuries dressées en tel ordre, que par force ils font toutes choses à leur plaisir, par quoi maintiennent leur obéissance et tiennent ce qui est sous eux en grande subjection, et le moindre commandement qu’ils font est toujours sur la vie ? » Il faut bien qu’une pression contraire vienne rétablir l’équilibre. Dieu est « quasi efforcé et contraint de montrer plusieurs signes et de nous battre de plusieurs verges ; » lui seul peut apporter remède aux abus de la force là où elle règne seule. Il ne parle plus aux gens par la bouche de ses prophètes, il les instruit par les résultats de leurs actes ; les guerres et les révolutions viennent rétablir la justice, en châtiant « les hommes forts. »

C’est ainsi que la Providence rétablit, par des lois constantes et naturelles, des limites aux pouvoirs qui ont le malheur d’être illimités. Commynes propose ensuite la limite constitutionnelle, qui, arrêtant d’avance les volontés arbitraires des hommes, prévient les conséquences désastreuses que la loi divine, c’est-à-dire la nature des choses telle que Dieu l’a faite, y a attachées. C’est le libre vote de l’impôt qui fixe et maintient cette limite. « Y a-t-il roi, ni seigneur sur la terre qui ait pouvoir de mestre un denier sur ses subjects sans octroy et consentement de ceux qui le doivent payer, sinon par tyrannie ou violence ? » En France surtout, où le peuple est toujours prêt à seconder le pouvoir dans une cause juste ou glorieuse, le roi ne peut avoir aucune raison d’avancer cette maxime inique : « J’ai privilège de lever sur mes subjects ce qui me plaist. » — « Ni lui ni autre ne l’a, dit Commynes, et ne lui font nul honneur