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sont si grandes, que la misère qui en résulte est, en quelques endroits, extrême… J’ai vu des fermes d’un quart d’acre… La population provenant de cette division est grande ; mais c’est une multiplication de misère. Les familles se propagent au-delà des besoins des villes et des manufactures, et un grand nombre d’individus périssent des maladies occasionnées par le manque de nourriture. Cela est arrivé à un tel point en France, qu’une loi serait absolument nécessaire pour empêcher toutes les divisions des propriétés au-dessous d’un arpent. »

Ces témoignages suffisent pour établir que les prétendus ravages de la petite culture s’exercent de longue date en France. Le marquis de Mirabeau prétendait, dans sa Philosophie rurale, que la petite culture occupait les trois quarts des terres cultivées. Tout en faisant la part de l’exagération habituelle à l’écrivain, il n’en est pas moins certain que ce mode d’exploitation avait acquis une influence considérable, et si l’on en croit Arthur Young, dont les aveux sur ce point ne sauraient être suspects, cette influence de la propriété rendue accessible aux paysans était généralement bienfaisante. L’écrivain anglais donnait ainsi une sorte de démenti à ses alarmantes prédictions. « L’influence magique de la propriété convertit le sable en or, » dit-il en parlant d’une localité près de Dunkerque, et dans un autre passage il ajoute que les habitans de Sauve « changent leurs rochers en paysages fertiles, parce que ces rochers sont leur propriété. Ils agiraient de même sur des terres en friche, s’ils étaient animés par le même principe tout-puissant… De Gange à la montagne, formée d’un terrain âpre, que je traversai, ma course fut une des plus intéressantes que j’aie faite en France ; c’est là que les efforts de l’industrie sont le plus vigoureux, que l’animation est la plus active. Cette activité a renversé tous les obstacles qu’elle a rencontrés et a revêtu les rochers mêmes de verdure. Ce serait faire injure au sens commun que d’en demander la raison. La jouissance de la propriété doit avoir produit ce résultat. Donnez à un individu la possession assurée d’un rocher aride, et il le transformera en un jardin. »

Si nous multiplions les citations, c’est qu’il importe de bien fixer le point de départ de cette étude. Les observations recueillies par Arthur Young en 1787, 1788 et 1789 sont d’une valeur très grande. Pour constater l’empire qu’exerce entre les mains les plus dénuées de ressources le droit de propriété, est-il rien de plus décisif que ce témoignage d’admiration arraché au partisan déclaré de la grande culture par le spectacle des merveilles qui se présentaient à ses regards ! « La propriété de la terre, s’écrie-t-il encore, est de tous les stimulans le plus actif pour un travail pénible et incessant. Et