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et les vœux, aussi bien qu’on les connaît aujourd’hui dans nos bureaux du personnel : preuve nouvelle que nous n’avons pas tout inventé ! Les inconveniens de ce système étaient alors perdus dans l’immensité de ses bienfaits. L’enquête ouverte par Louis XIV avait révélé les souffrances du peuple et celles de l’agriculture. Si ses lois céréales font moins d’honneur à Colbert que ses mesures financières, et si ce n’était pas en interdisant l’exportation des grains qu’il pouvait en encourager la production, on doit à ses conseils une série de dispositions dont l’effet sur la prospérité publique fut aussi heureux que rapide. Il fit remise à la population rurale de tout l’arriéré des tailles, et n’hésita pas à diminuer de moitié cet impôt, plus fatal encore qu’impopulaire, puisqu’il portait sur les instrumens mêmes du travail, et qu’il créait pour le pauvre la plus inique de toutes les glèbes[1].

Pénétré plus qu’aucun autre ministre de son temps du grand principe de l’égalité des charges, auquel il aurait aimé à donner une application plus complète, Colbert restreignit, par des règlemens qui ne lui survécurent pas, il est vrai, le champ malheureusement trop vaste des exemptions par privilège. À cette équitable pensée se lièrent bientôt après la recherche des faux nobles et cette fameuse réformation de 1669, sortie d’une inspiration bien plus fiscale que politique. Ce ministre ne tarda pas à trouver une compensation plus large encore dans l’établissement d’impôts de consommation qui atteignirent tous les sujets du roi, sans distinction de naissance, et dans la proportion de leur fortune véritable. Bientôt un remboursement des rentes de l’Hôtel-de-Ville, aliénées à vil prix par le cardinal Mazarin, remboursement exécuté par des procédés moins louables que les intentions, au sein d’une agitation que le pouvoir était désormais assez fort pour braver, vint alléger la dette publique de huit millions, somme qui représentait alors le dixième environ du budget des recettes. Colbert ne poursuivit pas avec moins d’ardeur la réforme de la comptabilité que la réforme de l’impôt. Un conseil royal des finances avait été créé par Louis XIV, et ses décisions, rédigées en forme d’ordonnances, furent toutes revêtues de la signature du roi, qui, jusqu’à la fin de son règne, ne manqua pas de le présider une fois par semaine. La formation de ce conseil fut le signal d’une ère nouvelle ; l’improbité disparut avec le désordre. L’hérédité et la survivance des offices de finances furent en partie

  1. Le journalier qui ne possédait aucun bien-fonds dans une paroisse ne pouvait la quitter, même lorsqu’il y manquait de travail, sous peine de payer la taille durant deux années en deux, paroisses différentes, et durant trois, si son nouveau domicile était dans le ressort d’une autre élection. Voyez Forbonnais, Recherches sur les Finances, t. Ier, p. 316.