Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/708

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quis de Loulé et qui s’était singulièrement affaibli depuis le jour où il avait succédé au cabinet Saldanha, ce ministère, en était venu à ne pouvoir plus vivre tel qu’il était. Le ministre des finances, M. Loureiro, s’était aventuré dans des opérations financières dont la forme au moins était désavouée par ses collègues ; le ministre de l’intérieur, M. Julio Gomez da Silva Sanchez, s’était compromis par une intervention excessive dans les élections. Cela était si bien reconnu, que, dès le début de la session dernière, il était convenu entre le gouvernement et les chambres que le ministère se renouvellerait. Or là était la difficulté.

Si le ministère en effet se recomposait dans le sens de la majorité septembriste de la chambre des députés, il risquait de se heurter contre la majorité conservatrice de la chambre des pairs ; si le pouvoir allait vers les conservateurs de la chambre haute, il se retrouvait aussitôt en face de la majorité progressiste de la chambre élective. Qu’arrivait-il ? Après une crise laborieuse qui durait deux mois, on finissait par organiser un ministère de coalition formé des élémens les plus opposés. Le marquis de Loulé, président du conseil, et le ministre de la marine, M. Sa da Bandeira, restaient dans le cabinet comme représentans de l’ancien parti progressiste, et à côté de ceux-ci le parti conservateur était représenté par M. Antonio José d’Avila, qui prenait le portefeuille des finances, ainsi que par M. Carlos Bento da Silva, qui entrait aux travaux publics. Les députés septembristes se sont ralliés à cet arrangement, dont le résultat a été en définitive un ministère à double face qui a eu jusqu’à la fin de la session deux majorités, l’une conservatrice dans la chambre des pairs, l’autre progressiste dans la chambre élective. Une des singularités de cette situation, c’est certainement l’appui que le ministre des finances, M. d’Avila, a trouvé auprès de la majorité septembriste de la chambre des députés, dont M. Passos est le chef principal. M. d’Avila est en effet un ancien chartiste ; il a été ministre avec le comte de Thomar. M. Passos au contraire s’est toujours signalé par ses opinions démocratiques et révolutionnaires ; il a figuré dans toutes les insurrections depuis vingt ans. Il était en 1846 et 1847 l’un des chefs du mouvement qui appela l’intervention armée de la France, de l’Angleterre et de l’Espagne. Malgré cette différence d’antécédens, M. Passos, avec la majorité septembriste qui marche sous ses inspirations, n’a pas moins soutenu la politique du gouvernement, et particulièrement les projets financiers de M. d’Avila. L’opposition sérieuse dans la chambre des députés est venue de ce qu’on appelle le parti de la régénération, dont le chef est l’ancien ministre des finances, M. Fontes Pereira de Mello, qui a fait en certaines questions économiques une guerre dangereuse au cabinet.

Telle est donc la situation politique du Portugal, observée dans les dernières discussions des chambres et au moment où la session vient de se terminer. L’opposition principale se compose des régénérateurs, c’est-à-dire des partisans de la dernière administration du maréchal de Saldanha ; le cabinet actuel s’appuie sur des forces diverses assez incohérentes, se présentant tout à la fois sous son aspect conservateur à la chambre des pairs et sous son aspect progressiste à la chambre des députés. Cette combinaison est-elle durable ? Rien n’est à coup sûr plus problématique. Entre les deux influences si différentes qui vivent côte à côte au sein du cabinet, il est difficile qu’il n’y