Il est écrit que je ne rencontrerai jamais que des êtres singuliers, vivant en dehors des habitudes reçues, choquant les gens droits par des habitudes bizarres, choqués eux-mêmes de la rectitude d’action desdites personnes dans la société. Devrais-je me plaindre de ces rencontres ? Cependant j’en subis une influence défavorable, et je me demande souvent pourquoi la destinée me pousse sur le chemin de ces individus.
Le dernier en date qui a pris une chambre meublée dans mon cerveau était bien le locataire le plus tyrannique qui se pût voir. Aussitôt entré, il n’y a plus eu de place que pour lui. Cet importun faisait que je ne pouvais m’occuper exclusivement que de ses grimaces ; sa personnalité était tellement accentuée, que tout se rapportait à lui. Par ses angles vifs, il froissait tous ses voisins, mes propres pensées, qui, en présence d’un nouveau locataire si incommode, ont fui, Dieu sait où.
À tout instant, mon homme raisonnait, parlait, discutait, et semblait dire à mes oreilles : « Écoutez-moi. » Puis il se livrait à mille poses allanguies, marchait, s’asseyait, se relevait et disait à mes yeux : « Regardez-moi. » Cette obsession dura si longtemps que, pour me débarrasser de ce tyrannique locataire, je lui ai donné congé, c’est-à-dire qu’abandonnant travaux, plaisirs,