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Quant aux redevances, payées aux industries protégées et dont la réforme de Peel a délivré la masse du public, elles formaient une somme énorme, où l’on peut distinguer deux parties : la première, celle qui est afférente aux : produits manufacturés, ne laisse pas que de monter assez haut. Il y avait en Angleterre, avant la réforme, un certain nombre d’industries qui restaient stationnaires : la verrerie, le papier peint, la soierie, même la fabrication de certains tissus de laine et de coton ainsi que d’autres textiles. Une fois qu’elles ont senti l’aiguillon ; elles se sont mises à marcher, et par conséquent elles ont produit à meilleur marché et vendu de même. En général, les manufactures anglaises, depuis la réforme, ont eu d’autres allures et pris un nouvel essor.

La seconde partie du tribut dont les populations britanniques ont été libérées est celle qui était prélevée sur les substances alimentaires ; elle était plus considérable que la première. En supposant que l’enchérissement du blé, par exemple, fût de 5 fr. par hectolitre ; et c’est une hypothèse que je ne crois pas exagérée ; pour une famille de six personnes seulement, à raison de trois hectolitres par tête ; l’économie obtenue a été de 90 francs. — Pour la viande, pour le sucre, le beurre, le fromage, les fruits, le régime nouveau a procuré de même un dégrèvement très fort. Ainsi affranchis des lourdes taxes prélevées au profit des privilégiés de la douane, et d’ailleurs étant mieux pourvues de travail, comme il vient d’être dit, les populations ont pu consommer davantage, et ce surplus de bien-être s’est traduit de deux façons : d’une part, l’accroissement de la fabrication d’une multitude d’objets usuels à l’usage du grand nombre, ce qui donnait une nouvelle impulsion au travail ; d’autre part, l’accroissement des perceptions provenant des impôts de consommation. Si, comme quelques personnes l’ont dit, le public anglais a été dégagé, par la réforme douanière, de l’obligation de payer un milliard ou 1,200 millions de redevances aux industries protégées[1], il n’est pas étonnant que, par le progrès de la consommation, le fisc ait naturellement reçu 200 millions de plus. Il ne faudrait pas dire que cette suppression d’un milliard ou 1,200 millions de redevances a dû appauvrir d’autant certaines classes de la société, au profit desquelles le tribut subsistait. Les industries ci-devant protégées, notamment l’agriculture, ayant fait des efforts intelligens, ont été bientôt perfectionnées, de sorte que, dans les nouvelles conditions de vente qui leur ont été faites, elles ont eu pour le moins autant de profit qu’auparavant.

En France, un phénomène analogue se présenterait nécessairement :

  1. Dans cette évaluation très sommaire, indépendamment des redevances qui ont disparu, serait compris le manque à gagner qui résultait pour l’ouvrier, et pour le manufacturier lui-même, des gênes et restrictions de toute sorte qu’éprouvait le travail.