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travail qu’elle renouvelle encore pour chacun d’eux en particulier.

Après avoir publié la monographie des poissons du vieux grès rouge, qui forme un supplément important aux Recherches sur les Poissons fossiles, et qui fut entreprise à la requête de l’Association britannique pour l’avancement des sciences, M. Agassiz partit pour l’Amérique, afin de chercher de nouveaux matériaux pour compléter l’histoire des anciennes faunes marines en même temps que pour recueillir de nouvelles observations sur les poissons de la faune actuelle. L’accueil qu’il reçut dans le Nouveau-Monde, où il ne se rendait que pour remplir la mission scientifique dont le roi de Prusse l’avait chargé, le succès éclatant des leçons qu’il donna à l’institut Lowell de Boston, le déterminèrent à se fixer aux États-Unis, où il occupe aujourd’hui la chaire de zoologie et de géologie à l’école scientifique annexée à l’université de Cambridge. Depuis qu’il habite l’Amérique, le savant naturaliste a donné une forme méthodique et plus arrêtée à la comparaison entre la succession des formes organiques et le développement embryogénique des êtres. Il étend aujourd’hui à toutes les parties de la nature animée les notions que l’étude des poissons fossiles lui a primitivement inspirées. Les élémens de zoologie populaire qu’il a publiés pour les écoles de la Nouvelle-Angleterre, tous les travaux partiels qu’il a insérés dans les journaux savans depuis quelques années, ne sont qu’un continuel développement de ces principes nouveaux. La confiance qu’ils lui inspirent est si grande qu’il laisse quelquefois la théorie devancer l’observation, et trace un cadre aux faits avant même de les avoir suffisamment observés. Les erreurs et les imperfections sont inévitables dans l’établissement de toute synthèse scientifique nouvelle ; mais celle que M. Agassiz complète aujourd’hui offre à l’esprit de si séduisantes perspectives et des vues si profondes sur l’ensemble de la nature animée, présente et passée, qu’il est nécessaire de l’exposer avec quelque détail.

Pour mieux faire comprendre la doctrine de M. Agassiz et l’originalité de ses conceptions, il ne sera pas inutile de rappeler brièvement de quelle manière ont été résolues avant lui les hautes questions de philosophie naturelle que les découvertes de la paléontologie ont soulevées. Les animaux qu’on trouve enfouis dans les diverses formations géologiques diffèrent de ceux qui habitent aujourd’hui notre terre, et sont les représentans de populations anéanties que nous n’aurions jamais connues, si, à l’aide de quelques débris, la science n’était parvenue à les reconstituer. Comment les animaux actuels ont-ils pris la place de tant d’êtres disparus ? L’explication la plus simple consiste à supposer que tous les animaux ont été créés simultanément, répartis inégalement sur le