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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/105

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que sur la proportion du nombre des espèces qui y sont contenues avec les espèces identiques encore existantes, il attaque cette méthode, imaginée par sir Charles Lyell, et cherche à prouver qu’elle ne repose que sur de vicieuses déterminations d’espèces. Une pareille discussion ne peut pas être très profitable, quand on admet, comme le fait M. Agassiz, que les coquilles de deux animaux peuvent présenter les mêmes caractères sans que les animaux. soient identiques, et que les espèces mêmes qui nous paraissent entièrement semblables ne le sont peut-être pas en réalité, parce que nous n’avons pas des moyens d’observation suffisans pour découvrir ce qui les sépare. Au reste, le professeur de Cambridge ne prétend tracer aucune limite à la puissance créatrice, et, lui laissant la faculté de recommencer ce qu’elle avait déjà fait une fois, il se borne à considérer comme improbable qu’il y ait des espèces communes dans deux créations consécutives. De telles restrictions rendent tout débat sur ce point aussi impossible qu’inutile.

Tout en admettant qu’il y a eu des créations répétées, M. Agassiz. se sépare nettement de la majorité des partisans de cette hypothèse. Dans les grands événemens dont la terre a été le théâtre, ceux-ci ne voient en quelque sorte qu’une suite de tableaux qui ne sont reliés par aucune action, par aucune pensée commune : repoussant toute idée de continuité dans le développement des formes organiques à travers les âges, ils rejettent la croyance au perfectionnement graduel des êtres ; M. Agassiz y croit au contraire très fermement, et c’est là que réside l’originalité de sa doctrine. À travers les destructions et les vicissitudes, il a poursuivi la trace du plan auquel la puissance créatrice est restée fidèle, et il s’est efforcé d’en saisir l’ordonnance. — Ses études sur les poissons l’amenèrent à cette importante découverte, que les types animaux ont été représentés dans les faunes primitives par des espèces qui, suivant son expression, sont les images prophétiques et agrandies des embryons actuels. Le progrès organique consisterait donc dans le passage graduel des caractères embryoniques aux caractères présens. Si l’on restaure, à l’aide des restes fossiles, les principaux représentans d’une classe particulière d’animaux, on s’assure qu’à chacune des diverses périodes zoologiques, ils ont présenté des caractères nouveaux. Or ces changemens n’ont point eu lieu d’une façon arbitraire : ils se sont opérés dans un ordre régulier, semblable à la série des métamorphoses que subissent, avant d’arriver à leur forme définitive, les représentans actuels de cette classe. Les animaux qui vivent autour de nous sont, à l’état d’embryon, de véritables miniatures de ceux qui habitaient la terre il y a des myriades d’années. Mais, si l’on ne considère que les êtres actuels, on remarque aussi que certains animaux, durant les premières époques de