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leurs plaintes bruyantes, leurs réclamations, leurs récriminations emportées : elles ont un écho dans les premières satires de Rochester, qui prend directement la restauration à partie. De quoi va-t-il accuser le prince en qui elle se résume ? De sa tolérance. — « Cette tolérance, dit-il, s’accommode aussi bien du culte juif que du culte catholique, ou bien même la religion de Mahomet ne lui déplairait pas. » La tolérance de Charles II, Rochester en aurait pu demander des nouvelles aux deux mille ministres presbytériens que la seule année 1661 vit chasser de leurs églises ; mais passons. Le vrai grief des royalistes ne se fera pas attendre. — « Le roi récompense les ennemis de son père, sauvant ceux qui firent tomber la tête du roi martyr. Il refuse le pain aux vieux cavaliers, gardiens fidèles de la couronne. » Toutefois cette plainte isolée toucherait sans doute peu de monde. Aussi le poète s’adresse-t-il immédiatement à ce qu’on appellerait aujourd’hui l’intérêt protestant, aux passions anti-catholiques et anti-françaises. On a vu, sous les remparts de Maastricht, des troupes anglaises, commandées par Monmouth, prêter aide et assistance à Louis XIV dans une de ses entreprises les plus hardies. — : « Et pourtant, s’écrie le satirique, le rapace loup de France, le fléau de l’Europe et sa malédiction, a versé une mer de sang chrétien. » Ne nous y trompons pas cependant ; il ne s’agit pas ici de l’édit de Nantes et des violences tyranniques qui en suivirent la révocation. Les malédictions s’adressent au roi guerrier et non pas au roi persécuteur. La révocation de l’édit de Nantes est postérieure de cinq ans à la mort de Rochester.

Les inconséquences abondent, il faut bien le reconnaître, dans ces imprécations parfois éloquentes. Charles II avait accepté (1674), des mains du lord-maire, le diplôme de bourgeois de Londres. Le poète aristocrate le raille de s’être ainsi assimilé au « premier boutiquier venu ; » mais tout à coup et sans transition, le voici qui interpelle ces boutiquiers eux-mêmes, avilis par leurs génuflexions devant le trône. — « Allons donc, plus de courbettes et ne ramonez plus vos bourses, opulens badauds de la Cité. Plus de fêtes, plus de harangues fleuries ! Battez le tambour, fermez vos magasins, et ces fiers courtisans viendront lécher la poudre de vos pieds ! . Une fois armés, dites à ce duc papiste (évidemment le duc d’York), maître de tout maintenant, que vous êtes des sujets libres et non des mules françaises… »

Voici mieux. Une fois sur cette pente, la satire royaliste se transforme par degrés : elle a blasphémé Charles II et Louis XIV ; maintenant, enivrée de son audace, elle s’en prend à tous les rois, à toutes les royautés. On dirait une Marseillaise.

« Dire que de tels rois gouvernent de par toi, Seigneur notre Dieu, c’est