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Ces Récits sont au nombre de quinze environ. Ce sont de petits poèmes qui, composés en vers suédois, ont été mis en musique, et dont le plus grand nombre, chantés sur les deux rives de la Baltique, sont devenus très populaires. L’unique sujet de ces poèmes est la dernière guerre de Finlande, l’unique inspiration qu’ils traduisent est celle du patriotisme. La première pièce, qui sert d’introduction, la découvre tout entière ; elle n’est autre chose qu’une invocation à la Finlande elle-même :

« Patrie ! patrie ! terre natale ! retentissez bien haut, noms sacrés ! Nulle montagne élancée vers les cieux, nulle creuse vallée, nul rivage baigné par les eaux n’est plus chéri que notre pays du Nord, la contrée de nos pères.

« Elle est pauvre, notre patrie ; elle le sera toujours pour qui recherche l’or. L’étranger passe avec dédain devant elle et s’éloigne ; mais nous, nous l’aimons. Avec ses bruyères, ses montagnes et ses rocs, cette terre-là est pour nous la terre d’or.

« Nous aimons ses torrens rugissans et le doux bruit de ses ruisseaux ; nous aimons le grave murmure de nos sombres forêts, nos longues nuits étoilées, nos étés sans ténèbres. Ici, tout ce qui frappe nos yeux et nos oreilles émeut à la fois notre cœur.

« Ici a été combattu le combat de nos pères, par la pensée, par l’épée, par la charrue. Que le ciel fût orageux ou pur, le sort rude ou clément, c’est ici que le cœur du peuple finlandais a palpité ; ici s’est accompli son destin.

« Qui compta jamais les combats que ce peuple a subis ? Quand la guerre rugissait de vallée en vallée, quand au froid glacial se joignaient les angoisses de la faim, qui mesura jamais tout le sang qu’il a versé et toute sa patience à souffrir ?

« C’est sur cette terre que tout ce sang a coulé, sur cette terre et pour nous. Cette terre a vu les joies, elle a recueilli les soupirs de ceux qui, longtemps avant que nous ne fussions nés, ont supporté nos fardeaux.

« Tout nous est facile et doux aujourd’hui ; tout nous est frayé. Quelle que puisse être notre destinée, nous avons une patrie, une terre natale, et qu’y a-t-il au monde de plus digne d’amour ?

« La voyez-vous, cette terre, à droite, à gauche, partout, sous nos yeux ? Nous pouvons étendre la main et dire fièrement, en montrant lacs et rivages : Tout- ce pays-là, c’est notre patrie !

« Et quand nous serions ravis dans l’azur, dans les nuages dorés des cieux, dans la vie céleste parmi les astres, où l’on ne connaît larmes ni douleurs, le regret de cette pauvre patrie subsisterait encore au fond de nos cœurs.

« Terre aux cent lacs, asile des chants harmonieux et de la fidélité, toi, notre rivage sur l’océan de la vie, terre de notre passé, terre de notre avenir, ne sois pas honnie pour ta pauvreté ; sois libre au contraire, joyeuse et sans crainte du lendemain.

« Ta fleur, cachée encore dans le bourgeon, s’épanouira en brisant ses entraves ; de notre amour sortira ta lumière, ta joie, ton espérance, et nos accens patriotiques retentiront en même temps, plus éclatans que jamais ! »

Le second morceau donne le cadre dans lequel l’auteur a rangé la série de ses tableaux : un vieil enseigne, qui a fait la guerre de Finlande, en raconte,