Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de mendicité sont invétérées dans l’ancien Bourbonnais. Le préfet ne se découragea pas et se mit à l’œuvre. Supprimer la mendicité purement et simplement, avec la seule condition que la loi impose, la création d’un dépôt pourvu des élémens nécessaires, était un acte auquel il ne fallait pas songer : c’eût été manquer d’humanité et d’esprit politique ; le gouvernement d’ailleurs n’y eût pas consenti. Comme mesure parallèle, il y avait lieu de placer l’organisation de l’assistance et de créer un ensemble de ressources qui, en tout état de cause, fussent à la hauteur des besoins. Ces ressources, comment se les procurer ? Était-ce par la voie d’un impôt obligatoire que les conseils municipaux auraient voté et qu’aurait sanctionné le ministre de l’intérieur ? Rien de plus grave ; l’impôt aurait pu être accepté par une commune, refusé par l’autre, et d’ailleurs procéder ainsi, c’était commettre une erreur de doctrine. M. de Magnitot pensa avec raison, et en s’appuyant de l’autorité de M. Thiers, que « l’individu agit avec ses propres deniers, et que l’état au contraire agit avec les deniers de tous, avec ceux du pauvre comme avec ceux du riche, et que si, pour l’individu, il n’y a pas d’autre conseil à suivre que celui de donner le plus possible, pour l’état au contraire il faut recourir aux principes de la justice distributive et examiner si, en donnant aux uns, il ne prend pas aux autres, si en un mot il ne manque pas aux règles d’une bonne et équitable administration[1]. »

L’idée de l’impôt obligatoire une fois écartée, M. de Magnitot fut conduit à celle de l’offrande volontaire. Rassembler et discipliner les dons épars, en régler la collecte et la distribution de manière que l’une fût plus abondante et l’autre mieux entendue, substituer à la générosité irréfléchie des individus l’action éclairée des bureaux de bienfaisance ou d’une commission dans laquelle siégeraient le curé et le maire, voilà en quelques mots la combinaison à laquelle le préfet de la Nièvre s’arrêta. Il ne s’agissait plus que de la faire adopter au département, et ce fut l’objet de plusieurs circulaires qui figurent dans l’ouvrage de M. de Magnitot à titre de pièces justificatives. Il y expliquait ses projets et les recommandait à l’attention des personnes influentes, pour qu’une fois convaincues, elles se dévouassent à convaincre les autres. Le dernier mot de tout cela, c’était l’ouverture d’une souscription commune à tout le département, souscription parfaitement libre, où ceux qui voudraient s’inscrire le feraient pour la somme qui leur conviendrait, et qui pour la plupart d’entre eux serait tout au plus l’équivalent d’aumônes arrachées par l’importunité ou dégénérées en une sorte de redevance. Les dons en nature étaient acceptés au même titre que les dons en argent et répartis de la même manière. Ainsi tout restait libre, le

  1. De l’Assistance. Rapport à l’assemblée législative (1850).