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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/359

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avancé, lorsqu’à la mort d’Abbas-Pacha Mohammed-Saïd arriva au pouvoir. Moins de deux ans après, le 1er janvier 1857, la voie ferrée d’Alexandrie au Caire était livrée à la circulation. Quelques mots suffiront pour donner une idée des travaux de construction du chemin et des régions qu’il traverse.

Au sortir d’Alexandrie, la voie ferrée longe le lac Maréotis, qui s’étend sur un vaste espace dans le voisinage de la ville. Ce lac, où les Anglais ont introduit l’eau de la mer pendant la guerre contre la France en 1801, était autrefois rempli d’eau vive et contenait une grande quantité de poissons. Aujourd’hui ce n’est plus qu’un immense marais qui dépose une couche de sel. Dès le temps de Méhémet-Ali, il avait été question de rendre cette grande étendue de terrain à la culture. On aurait commencé par l’inonder d’eau douce, qui aurait lavé les terres et y aurait déposé un limon fertile ; mais l’exécution de ce dessein a dû être ajournée. Aussi le voyageur qui s’éloigne d’Alexandrie éprouve-t-il d’abord une impression pénible à la vue de cette plaine inculte, çà et là baignée par une eau stagnante que le vent ride à peine. Cependant cette impression de tristesse s’efface peu à peu devant la verdure qui borde à gauche le canal d’Alexandrie, en vue duquel le chemin de fer se tient jusqu’à Damanhour, située à peu près au tiers de la route d’Alexandrie au Caire. À partir de Damanhour, le chemin de fer incline au sud-est, tandis que le canal remonte vers le nord, et le train court droit au Nil, branche de Rosette, qu’il atteint à Dahari, un peu au-dessus de la ville de Chebreket. À cent pas de la rive, la locomotive s’arrête, on la détache, et on la remplace par de paisibles attelages de bœufs qui conduisent les wagons, d’un pas sur et lent, jusqu’au fleuve, où le train est placé sur un radeau pourvu d’une machine à vapeur. Les voyageurs traversent ainsi le fleuve à bac. De l’autre côté, de nouveaux attelages les conduisent à une locomotive frémissante qui les emporte à travers le fertile pays situé entre les branches de Rosette et de Damiette. Bientôt on arrive à Tantah, ville riche et commerçante, entrepôt de beaucoup de marchandises qui viennent de l’intérieur, lieu de foire où se rendent les spéculateurs et les acheteurs sérieux, les représentans de maisons d’Alexandrie, de Marseille, de Trieste et d’Angleterre. En quittant la station de Tantah, le chemin se dirige presque droit au sud. Il franchit le bras de Damiette au pied d’un magnifique palais dont Abbas-Pacha aimait le séjour, et qui, étant situé à l’angle que forme le fleuve par un brusque détour, domine les plus belles eaux et la plus resplendissante campagne du monde. De là au Caire, il n’y a plus qu’une petite distance.

L’aspect général du pays sur le parcours de la voie ferrée, bien qu’un peu monotone, n’est pas sans intérêt. À une plaine immense,