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grandes périodes, dont nous allons retrouver les merveilleuses chroniques éparses à la surface ou dans les profondeurs du sol : l’antiquité, le moyen âge, la renaissance.


I

Le pays de Galles (Wales) est chaque année le rendez-vous des touristes. Ces excursions commencent en mai et se prolongent quelquefois jusqu’aux premiers jours de novembre. Il est difficile de trouver une région plus romantique : des lacs, des forêts, des chutes d’eau, des précipices, un horizon de montagnes qui ressemblent à un groupe de nuages pétrifiés. Ces montagnes font partie de la grande chaîne qui court à l’ouest depuis le Cumberland jusqu’à l’extrémité du pays, jusqu’à Land’s-End, et dans laquelle plusieurs rivières de l’Angleterre prennent leur source. On dirait un énorme entassement de masses angulaires et brisées, mais unies par la base, excepté quand elles sont séparées par des lacs. Les montagnes du pays de Galles forment les alpes de cette grande chaîne : quelques-unes d’entre elles présentent vaillamment à la mer leur front ardu et rugueux ; d’autres groupes détachés dominent des cours d’eau. Tantôt revêtues d’une végétation sauvage, — des bruyères, des broussailles, — tantôt nues et désolées, elles s’élèvent les unes sur les autres en menaçant le ciel avec la sublime tristesse des Titans. Devant ces beautés et ces harmonies farouches qui éclatent au milieu du désordre solennel des élémens, le voyageur reste comme accablé. De telles scènes ne frappent pas seulement les yeux et l’imagination ; elles font penser. Ces montagnes, dans le goût de Salvator Rosa, ont un autre intérêt que celui de l’art : ce sont les plus anciennes roches sédimentaires qui existent sur notre globe. Un tel paysage est un livre : ici se trouve écrite l’histoire des antiquités de la Grande-Bretagne ; je ne parle pas de ces antiquités d’hier qui se rapportent à l’homme, je parle des antiquités de la nature qui se perdent dans la nuit des âges. Le voyageur se rappelle ici à chaque pas ce vers de Byron : « Arrête ; ce que tu foules est la poussière d’un monde ! » Les roches de différens âges qui déchirent le sol et qui s’entassent pêle-mêle au sommet de ces formidables élévations contiennent des caractères que la science a déchiffrés : les annales du temps sont ensevelies là. Ces montagnes à mine sévère, et qui semblent rêver dans la nue, sont des historiens. Au milieu de ces ruines, au milieu de ces gorges et de ces précipices, dans la profondeur desquels se creuse le mystère de la création, ainsi qu’un abîme à côté des abîmes, l’annaliste géologue, celui qui rappelle à la lumière les siècles et les êtres évanouis, participe jusqu’à un certain