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de petites îles clair-semées, Les monumens de cette grande époque forestière se retrouvent dans les riches charbonnages de l’Angleterre et de l’Ecosse. Nous pouvons là nous faire une idée de la richesse du vêtement qui couvrit peu à peu la nudité de la terre nouvellement sortie du sein des flots. Ce fut le paradis terrestre de la végétation. Les grands sigillaria, les stigmaria, surtout la plante typique de cet âge, la fougère arborescente[1], formaient des bois, dont aucun mammifère vivant ne violait encore les muettes solitudes. Tout annonce que la température était chaude, humide, à peu près uniforme. On a trouvé dans les conifères de cette époque des anneaux concentriques, d’où l’on a conclu qu’il existait des saisons ; mais ces anneaux sont plus légèrement marqués que sur les arbres actuels de cette famille, d’où il est raisonnable de croire que les changemens annuels de la température étaient alors moins sensibles qu’ils ne le sont aujourd’hui. L’exploitation des mines de charbon de terre, dans lesquelles s’est pour ainsi dire effeuillée la première couronne de Cybèle, nous présente sur une plus grande échelle le même théâtre de faits que nous avons déjà rencontrés en Belgique : nous ne nous y arrêterons point. Il est seulement à observer que tous les districts industriels de l’Angleterre et de l’Ecosse, les grandes villes manufacturières et fuligineuses du nord sont situés dans le voisinage des bassins houillers, souvent même à l’embouchure des mines de charbon, ces fleuves souterrains de la prospérité publique.

Tout annonce que la durée de l’âge carbonifère a été prodigieusement longue. Le professeur Phillips a calculé que dans l’état actuel des choses il faudrait 122,400 ans pour accumuler seulement soixante pieds de charbon de terre. Les géologues anglais croient que les champs supérieurs de la houille, où les couches s’entassent sur les couches, les siècles sur les siècles, ont été formés dans des conditions relativement tranquilles ; mais la fin de cette période fut marquée par des bouleversemens, des ruptures de la croûte terrestre. C’est alors que les masses de houille furent graduellement brisées, disloquées et jetées par grands débris dans des bassins séparés. Sur ce théâtre de ruines, nous entrons dans un quatrième âge de la nature, l’ère permienne, qui a laissé en Angleterre peu de monumens. Elle a pourtant formé dans le Derbyshire et l’Yorkshire ces accumulations de dolomie, excellente pierre de taille avec laquelle le palais du parlement, house of parliament, et le musée de géologie pratique ont été bâtis. Dans leur course vers le nord, les montagnes permiennes s’élèvent à une grande hauteur, mais elles sont généralement

  1. J’ai revu ces mêmes fougères, mais humbles et presque rampantes, croître avec une sorte de prédilection sur les flancs des roches carbonifères : on eût dit qu’elles se souvenaient de leur berceau. Les Anglais sont très amateurs de cette plante, et la cultivent comme un objet d’art.