haine des Barbares et la haine des ariens, l’avaient suivi dans sa retraite, et il était chez les Bituriges un des centres auxquels se ralliaient les bons citoyens, quand il fallait se consulter ou agir. Chaque cité ayant ainsi ses centres d’action qui correspondaient entre eux dans les limites de la même province et souvent d’une province à l’autre, Sidoine avait échangé quelques lettres d’intérêt politique avec Pannychius, dont il estimait la fidélité et le courage.
Eucher ne le cédait à son rival ni en dignité, ni en naissance ; seulement sa carrière avait été plutôt d’un homme de guerre que d’un administrateur. Après avoir combattu bien des années sous le drapeau romain et rougi de son sang tous les champs de bataille de l’Occident, il s’était vu oublié pour d’autres qui ne le valaient pas. Retiré à Bourges, sa ville natale, il y vivait à l’écart, dans une solitude dont son juste dépit n’altérait pas la dignité, renfermant en lui-même le regret de la vie active, mais ayant besoin de consolation. Sidoine lui écrivit à ce sujet. Sa lettre que nous avons encore, et dans laquelle il le place à côté des Brutus et des Torquatus, nous peint assez bien le caractère de cette société élégante où le goût de l’esprit et même l’affectation littéraire se mêlaient aux grandes luttes, aux beaux dévouemens, aux inexprimables souffrances, où la pédanterie classique, les pensées subtiles et les jeux de mots brillaient comme des feux follets, sur l’effroyable déluge qui allait tout engloutir.
Entre ces deux compétiteurs également considérables, également dignes de l’estime publique, l’évêque de Clermont eût été fort embarrassé de choisir : une circonstance assez bizarre l’en dispensa. J’ai dit qu’ils étaient tous deux laïques, j’ajouterai qu’ils étaient tous deux mariés et mariés pour la seconde fois. Or les canons ecclésiastiques, qui prohibaient généralement les secondes noces, en avaient fait pour le sacerdoce un empêchement dirimant. À la vérité, les décisions canoniques n’étaient pas toujours exactement suivies, et les élections épiscopales, mélange des volontés du peuple et de celles de l’église, y dérogeaient fréquemment, ce qui faisait qu’Eucher et Pannychius avaient beaucoup de chances d’être nommés l’un ou l’autre ; mais Sidoine se retrancha inflexiblement dans la règle, qu’il se proposa de soutenir devant le peuple, heureux d’avoir sous la main une arme qui coupait honnêtement le nœud gordien.
Le troisième candidat, inférieur aux deux autres en dignité comme en naissance, se recommandait par une raison d’un grand poids dans la circonstance présente : il était fils du dernier évêque, gendre de l’avant-dernier, et, comme on disait alors, homme de race épiscopale. Les Goths et les Ariens n’avaient pas dans toute l’Aquitaine d’ennemi plus irréconciliable et plus redouté que lui ; il avait passé